Objectif bobos

L’allée littérature de la librairie Fang Suo à Canton. - Photo F. Piault/LH

Objectif bobos

A Guangzhou (Canton), la librairie-concept store Fang Suo témoigne par un aménagement et une offre haut de gamme des aspirations des nouvelles élites urbaines chinoises.

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Par Fabrice Piault
avec Créé le 15.04.2015 à 19h12 ,
Mis à jour le 08.05.2015 à 15h07

Sur 2 000 m2 au cœur de TaiKoo Hui, l’un des multiples et chicissimes centres commerciaux qui s’épanouissent au cœur de Guangzhou (Canton) comme dans toutes les grandes villes chinoises, la librairie-concept store Fang Suo (1) tranche avec l’aménagement fruste de la plupart des grandes librairies publiques chinoises. Choisis pour séduire les nouveaux « bobos » chinois, du bois, du métal, de la pierre allient modernité et tradition orientale. Une lumière tamisée se concentre sur la mise en valeur des 110 000 titres de l’assortiment (25 % d’étrangers, surtout taïwanais et hongkongais, et 10 000 titres en anglais), dont un grand nombre présentés en « facing » sur des tables et des présentoirs élégants.

«Mon objectif est moins de gagner de l’argent que de changer le destin des gens par les livres.» Mao Jihong, librairie Fang Suo, Canton- Photo F. PIAULT/LH

Surtout, les rayons livres (littérature, sciences humaines et sociales, jeunesse, langues, art, architecture et design, art de vivre…) et le « pavillon des magazines », qui occupent 700 m2, viennent s’enrouler harmonieusement autour d’une galerie d’exposition et d’un café. Ils sont prolongés par des rayons complémentaires de plantes, d’objets de décoration importés ou produits par de jeunes créateurs, et de vêtements conçus sous la marque Exception par le fondateur du lieu en novembre 2011, le designer et créateur de mode Mao Jihong.

« Mon objectif est moins de gagner de l’argent que de changer le destin des gens par les livres, et d’offrir une maison aux écrivains, explique le président de Fang Suo, 45 ans. Il s’est associé pour cela à Liao Meili, l’ancienne cadre dirigeante de la chaîne de librairies taïwanaise Eslite, et à Stanley Wong, graphiste et publicitaire hongkongais. C’est un projet culturel avant d’être commercial. Mais notre rentabilité est meilleure que certains l’imaginent. » Pour Mao Jihong, qui veut « faire partager [son] amour de la lecture », Guangzhou accusait depuis dix ans « un retard par rapport aux autres villes chinoises. C’était devenu une ville sans culture », déplore-t-il.

Cent salariés.

Du coup, la jeune et très professionnelle équipe de Fang Suo (100 salariés, dont 23 libraires), qui a reçu l’an dernier à Londres, au congrès mondial du commerce de détail, le prix du meilleur design pour un commerce culturel, reçoit au fil des mois des centaines d’écrivains, d’artistes et de créateurs, dont les Françaises Marie Nimier et Fadela Amara. « Les clients viennent de toute la ville, certains directement de l’aéroport, expliquent en chœur la nouvelle directrice opérationnelle du magasin, Chen Wenling, et son adjointe, Yip Sue. La librairie n’a pas été créée parce qu’il y avait des intellectuels, mais pour en susciter. »

Au total, la librairie affiche un chiffre d’affaires annuel de 50 millions de yuans (6,2 millions d’euros), dont 40 % avec le livre - « en dépit de son prix public très bas », rappelle Chen Wenling -, 40 % avec les vêtements et 20 % avec les autres produits et le café. Dès 2014, annonce Mao Jihong, Fang Suo ouvrira deux succursales plus grandes encore à Chengdu et à Chongching. <

(1) Référence à l’écrivain Xiao Tong (501-531), fils d’un empereur de la dynastie Liang (sud de la Chine), Fang Suo signifie littéralement : « Là où réside ton cœur. »

15.04 2015

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