3 mars > Roman France

Il est certaines nouvelles qui sont plus difficiles à encaisser que d’autres. Pour la narratrice de Des pierres dans ma poche, le deuxième roman de Kaouther Adimi (mais le premier au Seuil), une Algérienne trentenaire et célibataire travaillant à Paris pour une maison d’édition spécialisée dans la jeunesse, celle des prochaines fiançailles à Alger de sa sœur cadette résonne un peu comme un reproche. Ou un remords. La jeune femme a laissé de l’autre côté de la Méditerranée un pays, une histoire, qui demeure la sienne, son enfance et sa jeunesse, une famille, au premier rang de laquelle sa mère à laquelle la relient comme un cordon ombilical des coups de fil aussi fréquents qu’intempestifs. Au lieu de tout cela, elle a la solitude d’une grande ville qui lui demeure étrangère, la compagnie socratique de Clotilde, une SDF campée sur un banc de la rue des Martyrs et le bonheur tout de même d’avoir acquis, fût-ce au prix de la tristesse, les moyens de son émancipation. Dès lors, la "bonne fortune" de sa petite sœur, entraînant la nécessité de revenir à Alger pour un temps au moins, ne va faire qu’exacerber les contradictions qui innervent sa vie. Elle les affrontera sans illusions, mais avec une vitalité navrée dans laquelle l’humour tient une bonne place.

C’est là, dans ce refus volontiers amusé de l’apitoiement, que ce délicieux roman de Kaouther Adimi prend tout son prix. A un livre somme toute classique de l’exil et de la nostalgie, elle oppose (ou plus exactement, elle additionne…) une "chick-lit" intelligente et vitaminée sur les désarrois existentiels d’une jeune femme. Comme s’en étaient déjà aperçus les lecteurs de son texte inaugural, L’envers des autres (Actes Sud, 2011), cette manière de contourner les pièges du récit de genre est incontestablement celle d’un écrivain.

O. M.

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