3 février > roman Pays-Bas

Comment "transmettre le plaisir de la littérature, la peinture ou la musique" ? Vaste question que soulève Anna Enquist. L’auteure néerlandaise se sert de sa plume comme d’un archet propre à traduire la fragilité de l’existence. Tant son écriture que ses personnages reflètent un double bagage : une formation musicale (au conservatoire) et psychanalytique.

Ses livres précédents, Le secret (2001), La blessure (2005) ou Contrepoint (2010), comportent des variations sur les thèmes de la musique ou des êtres enkystés dans la solitude et le deuil. On les retrouve dans ce Quatuor constitué de musiciens amateurs. Parmi eux, Caroline travaille dans le milieu médical. Un quotidien éprouvant, rythmé par la souffrance d’autrui. Or un autre drame la détruit : la mort de ses enfants. Son mari Jochem répare les instruments de musique, mais il ne peut cicatriser ses plaies. Un deuil impossible, impensable, imprononçable. "On a été frappé, mutilé, amputé. Ce n’est jamais bien, ni quand on parle ni quand on se tait."

Reinier partage son avis : "Nous avançons le long de l’abîme comme si tout allait bien. La réalité, elle, se cache au fond du gouffre." Cet octogénaire parraine le quatuor avec vigueur, mais son corps ne se régénère plus. Sa peur de vieillir s’atténue lors de sa rencontre inattendue avec un garçonnet. Comment avouer qu’on a besoin d’aide ?

La romancière étend cette interrogation en s’aventurant sur le terrain sociopolitique. Comment diriger un centre musical, sachant que l’art n’est guère rentable ou stable ? Anna Enquist s’inquiète des coupes budgétaires dans la culture ou le secteur médical. Mêlant les crises intimes et sociales, elle perçoit la musique comme un supplément d’âme. Celle-ci "doit rester bien en place, faites-y attention."K. E.

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