Un bon coup de fourchette. Dis-moi avec quoi et donc comment tu manges, et je te dirai qui tu es. Telle pourrait être, familièrement, la philosophie du présent travail de l'historien Pascal Reigniez, qui a été chercheur au CNRS et a enseigné l'anthropologie des techniques à l'université de Paris. Notre homme est un spécialiste des outils, qui a déjà publié, en 2002 chez le même éditeur, Errance & Picard, une étude sur « l'outil agricole en France au Moyen Âge ». On suppose que la fourche y occupait une place de choix. On la retrouvera plus loin.
Cette fois, Pascal Reigniez vise plus large, puisque son nouveau livre, illustré de croquis in-texte et d'un cahier de photos signifiant, traite « de la Préhistoire à nos jours, [des] évolutions des objets que nous utilisons tous les jours, sans penser à leur histoire : les couverts de table ». En trois parties : localisation des objets, depuis une première cuillère en os de renne datant du Magdalénien ; présentation de l'évolution des manières de s'alimenter que celle des couverts induit (à partir du moment où on peut piquer dans la nourriture, notre régime devient plus varié, moins carné, et l'hygiène y gagne) ; et mise en rapport avec l'évolution de la gastronomie.
Au commencement n'étaient que la cuillère et un silex tranchant servant de couteau. Et puis apparut, au Moyen Âge, une fourche miniature, calquée sur celle des paysans, avec deux doigts plats. Elle servait essentiellement à attraper des viandes dévorées ensuite avec les doigts. Il a fallu attendre la Renaissance, et le raffinement italien, pour que naisse la fourchette, petite fourche à quatre dents recourbées. Même si son usage ne toucha pas tout de suite l'ensemble de la population, on peut considérer la fourchette de table comme l'une des inventions humaines les plus décisives, comme la roue. Elle est devenue l'outil du gourmet, ainsi que support d'inspiration pour les artistes. À la cour, dans les palais, ou même chez les bourgeois, il était d'usage de présenter des couverts en métaux précieux (argent, vermeil, or), ouvragés, décorés voire armoriés. Tout cela pour aboutir à un petit objet suédois standard au manche en plastique coloré, qui résiste mal au lave-vaisselle. Marie de Médicis en resterait baba.
Histoire des couverts
Errance & Picard
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 20 € ; 208 p.
ISBN: 9782330188320