C’est en 1988 qu’est né l’Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine (IMEC), une utopie portée par un visionnaire, Oliver Corpet (1949-2020), lequel considérait comme une mission d’intérêt général de protéger un patrimoine qui, à l’époque, ne l’était pas : les archives des maisons d’édition, revues, artistes ou écrivains.
Même si son conseil d’administration compte, depuis ses débuts, l’État, ou la région Normandie, l’IMEC est de droit privé, porté par une association qui comprend ses donateurs, dont plusieurs éditeurs, comme la Fondation Hachette Livres pour la lecture. Son président est Pierre Leroy. Le concept s’est vite imposé, et les « archives papier » occupent désormais une place de choix dans notre patrimoine.
Classé monument historique
Basé à l’origine à Paris, l’IMEC, avec ses fonds affluant, s’est vite retrouvé à l’étroit. C’est alors qu’est née, en 1995, l’idée d’une « délocalisation » à l’Abbaye d’Ardenne, fondée par les Prémontrés de Saint-Norbert en 1121, située à Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, tout près de Caen.
L’édifice, classé monument historique et propriété de la région Normandie, était alors une ruine superbe et romantique. Grâce aux travaux titanesques de rénovation menés par Bruno Decaris, architecte en chef des Monuments historiques, il est aujourd’hui devenu un must, depuis son ouverture, en octobre 2004.
700 fonds de tous les métiers du livre
Même si le concept est proche de celui des universités américaines, et si son modèle direct provient des Deutsche Litteratur Archiv de Marbach, près de Stuttgart, lesquelles remontent à la fin du XVIIIe siècle, l’Abbaye d’Ardenne est un lieu unique, en France et en Europe.
Ses collections abritent aujourd’hui 700 fonds, de tous les métiers du livre, dont plus de 100 fonds de maisons d’édition comme Hachette, Le Seuil, Albin Michel ou Christian Bourgois, et, tout récemment Calmann-Lévy, dont les archives occupent quelque 167 mètres de linéaire !
« Les regroupements de maisons d’édition s’accélérant, remarque l’écrivain Nathalie Léger, directrice générale de l’IMEC, qui a travaillé longtemps auprès d’Olivier Corpet avant de lui succéder. La question de leur patrimoine se pose de plus en plus ». Cela suppose un traitement au cas par cas, et des négociations : ainsi, l’entrée des archives de François Maspéro est-elle en discussion avec La Découverte, et celles de Philippe Sollers, disparu en mai 2023, avec son épouse Julia Kristeva.
Accueillir, répertorier, conserver voire restaurer
Accueillir, répertorier, conserver voire restaurer, mais aussi rendre accessibles, exploiter les fonds, telle est la vocation de l’IMEC à l’Abbaye d’Ardenne. Mais le site, qui emploie 40 personnes, et se veut ouvert à tous, propose également une bibliothèque de recherches, une scène littéraire avec des rencontres, et même des résidences de chercheurs et d’écrivains. L’IMEC est aussi éditeur, et pionnier sur le numérique.
Nathalie Léger insiste sur la triple vocation de son établissement : irriguer le tissu local normand, présenter ses collections à tous les amateurs français et établir des relations à l’international. « Ainsi, nous avons noué un partenariat avec l’université américaine de Princeton (New Jersey) autour de Jacques Derrida », dit-elle. Elle milite également pour la création d’une chaire de l’histoire de l’édition contemporaine à l’Université de Caen. Avis au futur ministre de l’Enseignement supérieur, et aux mécènes.