S'il existe en bande dessinée de pauvres cow-boys solitaires, ce n'est pas le cas de Dope Rider. Tout en os sous ses bottes et son chapeau, ce junkie imaginé par Paul Kirchner navigue dans différents niveaux de perception en compagnie d'un tatou accro au sucre et d'un vieil Indien confit dans la marijuana. Convoquant Salvador Dalí, Moebius, John Wayne ou Stanley Kubrick, l'auteur américain enchaîne les saynètes hallucinées en une page, avec un humour potache aussi chargé que ses planches aux mille détails.

Trouvaille des éditions Tanibis, Paul Kirchner a fait ses armes de dessinateur dans la presse underground des années 1970-1980, notamment pornographique, et est toujours resté un outsider du monde de la BD. La petite maison lyonnaise a exhumé ses fascinants strips surréalistes dans Le bus, en a publié une suite inédite, puis l'hilarant recueil Jheronimus & Bosch, et surtout la passionnante anthologie En attendant l'Apocalypse, dans laquelle Dope Rider revenait d'outre-tombe, dans des récits psychédéliques mémorables. Le présent album compile des gags parus dans le magazine High Times depuis 2015, où le héros squelette n'a qu'une obsession invariable : planer haut et fort. Dans des mises en pages vertigineuses et très variées, Kirchner ne fait pas l'apologie des drogues mais se moque gentiment du décorum qui va autour de la fumette, avec force jeux de mots qui ont dû donner mal au crâne au traducteur Patrick Marcel. À consommer avec modération, mais ne pas hésiter à faire tourner.