Après que Fluide glacial a réédité il y a quelques mois sous le titre Certains l’aiment noir les histoires macabres qu’il publiait dans les années 1980 dans le mensuel éponyme fondé par Gotlib, voilà que Philippe Foerster leur donne une suite. Sur la même ligne de crête loufoque, entre fantastique et humour noir, Le confesseur sauvage rassemble cinq nouvelles graphiques qui frappent par la qualité de leur écriture, la puissance du dessin en noir et blanc tout juste éclairé par une couleur d’accompagnement, et la maîtrise du concept qui transcende tout l’album.
Les récits sont en effet unifiés par un même point de départ : une catastrophe nucléaire a transformé une partie des habitants de la ville de Tchernobourg en de monstrueux mutants. L’un d’eux, devenu poulpe, a le don, lorsqu’il pose l’un de ses tentacules sur l’épaule d’un de ses semblables, de l’amener instantanément à s’épancher. Ces sortes de "confessions" recueillies par ce "poulpe empathique" constituent les cinq histoires regroupées dans un album grinçant à souhait.
Une certaine Madame Génuflexion est effondrée lorsque sa fille Gisèle naît avec les traits d’une grosse limace. Abandonnée par son mari, elle se prend tout de même à élever avec amour cette enfant atypique, brisant tous les miroirs pour qu’elle ne se rende compte de rien. Mais, à l’adolescence, l’entêtement de la jeune fille à participer au casting d’une émission de téléréalité va provoquer un enchaînement de drames.
Monsieur Annonciation, lui, aimerait tout à la fois séduire sa collègue, Mademoiselle Desurcroit, et grimper dans la hiérarchie de son entreprise. Or, l’une de ses mains, puis la seconde se transforment en araignées venimeuses… pour le meilleur et pour le pire ! Le major Oraison s’est mis en tête d’éradiquer tous les mutants, et en particulier l’un d’eux qui peut donner naissance à des créatures oniriques plus monstrueuses encore.
L’humoriste Henri Piedepoule a des amis dont l’enfant, qui provoque des explosions lorsqu’il est contrarié, finira par entraîner un nouveau cataclysme. Madame Absolution, alcoolique et droguée, a un fils, Wilfried, dit Willy, qui a le don de pouvoir traquer et avaler les fantômes et revenants qui pullulent depuis la catastrophe nucléaire, mais s’en rend peu à peu malade. Par petites touches, par le truchement du fantastique, Foerster décrit une société qui perd la tête, prisonnière de ses névroses. Fabrice Piault