Le personnage de Superman a été cédé pour 130 dollars, en 1938, par ses créateurs, Joe Shuster et Jerry Siegel, à l’éditeur DC Comics. Mais ce n’est que soixante-dix ans plus tard que la bataille juridique a commencé, alors que DC Comics est devenue propriété de Warner Bros. Passons sur les péripéties de la procédure américaine qui, au vu des enjeux financiers que représente aujourd’hui le super-homme volant, n’est pas prête d’aboutir : En mars 2012, Warner Bros vient d’ailleurs d’actionner en appel pour obtenir l’infirmation d‘une décision défavorable. Il faut savoir que la protection des personnages est largement reconnue par la jurisprudence, notamment française. Les annales judiciaires ressemblent d’ailleurs au très utile Dictionnaire des personnages. Le Tribunal de grande instance de la Seine a ainsi été convaincu du caractère protégeable du nom de Chéri-Bibi, le 2 mars 1959. 1977 fut une année faste et éclectique pour la reconnaissance du droit sur les personnages : Tarzan a été validé par le Tribunal de grande instance de Paris, le 21 janvier, tandis que Poil de carotte triomphait devant la Cour d’appel de Paris, le 23 novembre suivant. Même Alexandra – compagne de SAS - a bénéficié d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris, le 18 décembre 1990. Quant à Angélique, la célèbre Marquise des Anges, elle a donné lieu, un temps, à des décisions contradictoires. Le 11 janvier 2001, la Cour d’appel de Versailles a ainsi considéré que le titre Angélique « correspond à celui d’une héroïne précise, parfaitement reconnaissable et sur l’identité de laquelle le public ne peut se tromper, qui la distingue, à la date de la création de l’œuvre en 1953, d’autres jeunes femmes antérieurement représentées par le personnage d’Angélique du Georges Dandin de Molière ou encore par celui du livret d’opéra de Jacques Ibert, alors même que les œuvres de Giono et de Robbe-Grillet ont, pour leur part, fait l’objet d’une divulgation dans le grand public postérieurement à la diffusion des romans de Madame Golon ». En revanche, le 30 juin 2000, la Cour d’appel de Paris a estimé que « l e prénom d’Angélique est un prénom connu sur le territoire français, (…) il a été porté par divers personnages de l’histoire et déjà utilisé dans des œuvres littéraires ; (…) en adoptant pour désigner l’héroïne des romans ce prénom, les auteurs n’ont manifesté aucun effort de création, ne procédant qu’à un choix parmi des prénoms connus ». Quoi qu’il en soit, les éditeurs prudents prennent particulièrement soin, dans les contrats avec les auteurs, de mentionner la cession des droits sur les personnages ; en particulier si ceux-ci sont appelés à multiplier les aventures hors des librairies, sous forme de produits dérivés (vêtements, bibelots, matériel de papeterie), voire d’adaptation audiovisuelle (après Tintin et autres pénibles Largo Winch, nous voilà en effet assommés par la propagande du Marsupilami). C’est ainsi que le contrat d’édition peut viser « le droit d’exploiter séparément par voie d’adaptation, de reproduction et de représentation tout élément de l'œuvre et notamment ses personnages dans leurs caractéristiques physiques, traits de caractères et leurs noms ». Cela est d’autant plus nécessaire que les contrats que souhaitent signer les producteurs avec les maisons d’édition abordent souvent « le droit de remake, c’est-à-dire le droit de réaliser et d’exploiter un film cinématographique postérieurement au film faisant l’objet des présentes, et reprenant les mêmes thèmes, situations, personnages, etc. » ou encore « le droit de suite et de prequel, c'est-à-dire le droit de reproduire, représenter et adapter l'oeuvre en tout ou en partie en vue de réaliser ou faire réaliser une ou des oeuvres audiovisuelles qui constitueraient une suite ou des précédents et qui en reprendraient par conséquent certains éléments (notamment titre, thème, scénario, décors ou personnages) ». Là encore, la vente des personnages est plus sûre si l’éditeur a pris préalablement le soin de les acquérir…        De même, le dépôt du personnage en tant que marque est possible, si l’auteur y a consenti par contrat. Il peut ainsi être utile d’insérer la clause suivante :   « Tous les droits cédés par l’auteur à l'éditeur permettront à celui-ci de procéder à toute protection desdits droits et de leurs adaptations par le biais de droits de propriété industrielle et notamment par le droit des marques, le droit des dessins et modèles. À cet égard, l’auteur garantit à l'éditeur n’avoir procédé à aucune formalité de protection de son apport par le biais des droits de propriété intellectuelle ». Cette technique se révèle avantageuse dans les cas où le personnage risque de tomber dans le domaine public. Le droit des marques possède en effet l’immense intérêt d’assurer une protection éternelle, sans risque de domaine public, si les dépôts sont renouvelés en temps et en heure. Et voilà pourquoi Superman gardera ses pouvoirs – et son intérêt - pendant bien longtemps.
15.10 2013

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