9 MAI - ROMAN France

Bernard Attali- Photo MANUEL BRAUN

Enarque, ancien président d'Air France et du Gan, conseiller-maître à la Cour des comptes, administrateur d'une flopée d'entreprises du Cac 40, aujourd'hui "senior advisor" pour l'Hexagone d'un fonds d'investissement américain, frère jumeau jusque dans le parcours (la politique en moins, les entreprises en plus) de Jacques, Bernard Attali a, au regard de sa carrière, réussi sa vie. Et pour couronner le tout (et sans doute le vit-il aussi comme une consécration), il vient de réussir également son premier roman...

Entre conte moral et exercice flagellatoire, La mise en examen est un curieux objet littéraire. Une fable à la fois mélancolique et violente, un voyage sans retour vers le village global où règne le veau d'or.

Dans un futur (très) proche, réfugié dans son manoir normand, soumis à un strict régime de contrôle judiciaire après qu'il fut soupçonné d'avoir organisé une fuite délictueuse de capitaux via des comptes offshore aux îles Caïman, Albert Salina a rendez-vous avec son destin. C'est-à-dire, dans les circonstances qui sont aujourd'hui les siennes et qui tiennent de quelque chose comme la fin des haricots, avec sa conscience. Laquelle se trouve plus ou moins convoquée par chacun des trois avocats, dont une jeune femme qui n'est pas sans lui rappeler sa fille décédée quelques années plus tôt, venus chez lui pour organiser sa défense et préparer ses futures auditions devant le juge. Faiseur de rois, visiteur du soir, nanti d'un chien nommé Bergson et d'un domestique philippin au comportement hiératique, grand industriel qui a cru avec la foi du charbonnier aux vertus autorégulatrices du marché, Salina est un guépard plongé dans sa nuit. A travers lui, Bernard Attali, moraliste paradoxal, peint le portrait de l'échec d'une génération, d'un siècle qui s'enfuit. C'est assez réussi. Et passablement inquiétant.

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