La France ? "Elle ne va pas très bien, merci", répond tout de go Bernard Attali. Et l’ancien président d’Air France de s’énerver contre ces débats qui sont "une insulte à l’intelligence". Contre les tartuffes de la politique (gauche et droite se renvoient mutuellement la balle) et contre les docteurs Diafoirus de l’économie ("plus j’étudie leurs prévisions, plus j’apprécie l’astrologie"), Bernard Attali entend par ce bref essai nous dessiller les yeux. Dans Si nous voulions, il aligne quelques chiffres afin de mieux nous cogner contre le réel. La croissance n’est pas en berne depuis un, deux, cinq ans, ni même dix ans. Cela fait un demi-siècle que la France s’affaisse. Sa croissance est de 5 % dans les années 1960, de 4 % dans les années 1970, de 3 % dans les années 1980, de 2 % dans les années 1990… et à l’aube de ce troisième millénaire elle peine à se maintenir à 1 % ! Chaque camp promet, qui "la rupture", qui "le changement". Mais nul n’ose agir, à savoir clairement. Nicolas Sarkozy ne supprime pas les 35 heures mais défiscalise les heures supplémentaires. Avec François Hollande, c’est un crédit d’impôt aux entreprises - le CICE - plutôt qu’un allègement de charges direct et efficace… On ne réforme pas, on surajoute, tout cela a un coût.
Le Royaume-Uni a choisi l’austérité avec des coupes drastiques dans la dépense publique, ça marche ; le Japon opte pour un soutien sans faille à sa croissance, ça marche aussi. Si l’économie n’est pas une science exacte, elle a besoin d’un cap bien défini et d’une action rapide. En France, malheureusement, on préfère le rabot au turbo.
S’il fait l’anatomie d’un pays "à la traîne" et en liste ses maux endémiques : un Etat obèse, un manque de compétitivité, une classe politique divorcée de sa base et coupée des réalités économiques (la finance, dût-elle être régulée un minimum, n’est pas "l’ennemi"), l’homme pense toujours qu’il n’est de bonne vie sans conscience d’un vivre-ensemble harmonieux. Pour redresser le pays, exhorte Bernard Attali, encore un effort, beaucoup d’efforts : de la pédagogie et du courage !
S. J. R.
