Né en 1986 à Douala, arrivé en Europe à 18 ans, Genevois depuis une dizaine d’années, Max Lobe a décidé il y a quelques mois de faire un voyage au Cameroun. Le but de ce retour aux origines : découvrir l’histoire violente mal connue de son pays en partant sur les traces de Ruben Um Nyobè, héros martyr du mouvement pour l’Indépendance. Dans Confidences, son troisième roman publié chez Zoé après 39, rue de Berne et La trinité bantoue, l’écrivain a pour guide Mâ Maliga, une vieille femme qui a vécu de près cette "guerre cachée" qui a ensanglanté les années 1950. C’est elle qui va raconter à l’ignorant "Mbenguiste", comme sont désignés ceux partis vivre au "Pays des Blancs", les événements tragiques qui ont marqué son village au milieu de la forêt, dans le sud du pays. La verte octogénaire qui se réjouit que son jeune interlocuteur n’ait pas oublié la langue d’ici, le bassa, et qu’il ne parle pas seulement "le poulassi, le gros-gros français des Blancs", livre ainsi un récit copieusement arrosé au vin de palme où la politique est distillée dans la chronique familiale. Dans son savoureux parler métissé, elle évoque ainsi sa mère, aussi puissante que discrète, son père, "un intellectuel long-crayon", sa tante surnommée "la Reine de la machette" et le mari de celle-ci rentré fou de la guerre d’Indochine, la doyenne du village au bassa ponctué de mots d’allemand, héritage de l’ancien colonisateur, remplacé à la fin de la Première Guerre mondiale, dans un mandat partagé, par les Anglais et les Français. Elle parle des autorités françaises qui portent la responsabilité de l’assassinat en 1958 d’Um Nyobè, le "Mpodol" leader charismatique et porte-parole de l’UPC, le parti qui militait depuis dix ans pour l’Indépendance.

"Que mes mots-ci que je vais sortir là maintenant de ma bouche sans dent entre bien-bien dans tes oreilles et restent là-bas en dedans de ta tête", avait averti Mâ Maliga au début de son témoignage. Max Lobe a attentivement écouté la leçon. Véronique Rossignol