Le présent essai, Le mépris civilisé, a été rédigé à la fin de l’été 2014, donc bien avant les tragiques événements du début janvier 2015. Le psychanalyste helvético-israélien Carlo Strenger, professeur de psychologie à l’université de Tel-Aviv et militant pour une résolution pacifique au conflit israélo-palestinien, l’avait envisagé comme un réquisitoire contre "la tendance relativiste du politiquement correct qui dit que toutes les positions, tous les credo se valent et tous les modes de vie méritent le même respect".
Sinistres suites de la fatwa contre Salman Rushdie, de l’assassinat de Theo van Gogh, les attentats de Paris n’ont fait malheureusement que corroborer l’analyse de l’auteur : ils sont les "terribles conséquences que peut engendrer la logique du politiquement correct, selon laquelle toute critique serait une offense". Carlo Strenger dénonce ici la complicité de ce relativisme qui ne fait, d’une part, que justifier à ses propres yeux la violence du fanatique religieux offensé - qu’il soit islamiste radical, ultra-orthodoxe juif, fou de Dieu évangéliste - et, d’autre part, faire monter les partis xénophobes et populistes - Marine Le Pen en France ou Geert Wilders aux Pays-Bas, l’affaire des minarets en Suisse. Est ici retracée la généalogie de cette complaisance idéologique qui a longtemps trouvé un terreau favorable dans une certaine gauche culpabilisée par le colonialisme et complexée de ses propres valeurs occidentales.
Face au désaccord et à l’offense, donc : jamais la violence, ni non plus la veule cécité, mais le mépris civilisé, une conscience forte de son rationalisme et fière de ses principes humanistes. S. J. R.