En 1988, Didier Blonde publiait aux éditions Régine Deforges Le nom de l'inconnue, lancinant petit roman, introuvable depuis belle lurette. Il nous revient, sous la couverture blanche de Gallimard, avec un titre légèrement différent, L'inconnue de la Seine.
Personnage à la fois modianesque et bovien, Simon tient une librairie d'occasion dans le 9e arrondissement, Le Piéton de Paris. A ses heures perdues, le narrateur de Didier Blonde travaille à un "répertoire des domiciles parisiens des héros de romans, d'Albertine (Simonet) à Zazie (en visite)", ce qui n'étonnera pas les lecteurs de l'auteur d'un Répertoire des domiciles parisiens de quelques personnages fictifs de la littérature (La Pionnière, 2010).
Il s'agit là d'un homme secret qui a besoin "de l'imprimatur de la littérature pour croire au monde". Qui n'aime, au fond, "que les morts, cette lenteur, ces rêves immobiles, ces pierres vivantes...". Qui avance que "le suicide est un crime passionnel". Simon ne se remet d'ailleurs pas de la disparition de Marie, morte il y a déjà un an. Chez un brocanteur du quartier, il tombe sur un masque de plâtre qui reproduit les traits de l'inconnue de la Seine, une noyée anonyme dont le visage a été moulé à la morgue. Supervielle l'évoque dans une nouvelle de L'enfant de la haute mer, comme Aragon dans Aurélien ou Souvestre et Allain dans les aventures de Fantômas.
Le libraire veut en savoir plus sur celle qui aurait été retrouvée dans le canal de l'Ourcq en 1901. Qui était-elle ? Pourquoi a-t-elle choisi la mort ? En quête de réponse à ses questions, il se rend aux archives photographiques Roger-Viollet, à l'institut médico-légal, aux archives de la police... Dans son deuxième livre, après Gaz à tous les étages (Orban, 1985), Didier Blonde avait déjà le sens de l'atmosphère et de l'énigme. Une manière très personnelle et subtile de questionner les lieux et les fantômes, que l'on retrouve ici à nouveau.