Après la mort de Marcel Proust, en 1922, c’est son frère Robert qui se chargea de sa succession. Quand il meurt à son tour en 1935, sa veuve, Marthe, se lance dans une entreprise de « déproustisation » : dispersion des meubles de l’écrivain, autodafés de ses livres, manuscrits, correspondances… De ce naufrage, le parfumeur Jacques Guérin (mort en l’an 2000, à 98 ans), fan de Proust qu’il avait connu, sauva quelques pièces majeures dont du mobilier - qui se trouve au musée Carnavalet -, et des manuscrits, dont ceux d’A la recherche du temps perdu. La plupart se trouvent à la BNF, mais la fondation Martin-Bodmer à Cologny (Suisse) a acquis quelques trésors, dont ces 29 « placards » de Combray, premières épreuves pour Grasset, quasi réécrites par Proust, raturées, surchargées, augmentées des fameuses paperolles. La transcription et l’édition en ont été assurées par Charles Méla, directeur de la fondation Martin-Bodmer, à l’initiative du projet. L’ouvrage, format 30 × 40, réalisé par les services techniques de Gallimard et imprimé à Shenzhen (Chine) par C & C Joint Printing, Co, HK, Ltd, relié en galuchat gris et servi sous emboîtage, a été tiré à 1 200 exemplaires numérotés, et ne sera jamais réimprimé. Son prix : 189 euros jusqu’au 28 avril 2014, 219 euros ensuite. Il est prudent de réserver son exemplaire. Chez Gallimard, on indique que si le succès est au rendez-vous, on n’exclut pas de poursuivre avec le fac-similé des épreuves d’Un amour de Swann (également à la fondation Martin-Bodmer) et de Nom de pays :le nom (propriété de la BNF).

Titrée Lettres à sa voisine par ses éditeurs Jean-Yves Tadié, éditeur de la Recherche dans la « Pléiade », et Estelle Gaudry, conservatrice du musée des Lettres et Manuscrits (qui les a rachetées à Gérard Emler, descendant des destinataires), cette correspondance comprend 26 lettres (3 au docteur Charles Williams, 23 à sa femme), non datées, qui courent de 1908 à 1916. La fin est perdue - jusqu’au déménagement de 1919 -, ainsi que les lettres de Marie, que Proust prisait fort. Ce sont les missives d’un voisin phobique qui prie ses voisins de lui épargner tout bruit, d’un malade à une malade, qui témoigne de ses tourments, d’un écrivain avant tout qui, dès 1914 et la parution dans La NRF d’extraits de A l’ombre des jeunes filles en fleurs, s’explique sur son œuvre telle qu’il commence à la concevoir, à une femme sensible, laquelle était elle-même une artiste, musicienne et poète. Ils ne se virent que deux fois, mais c’est un vrai roman épistolaire qui s’est écrit entre eux. Cette amie aujourd’hui retrouvée, dont Proust n’avait parlé à personne, s’est suicidée en 1931. J.-C. P. <

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