"L'édition électronique est depuis plus de dix ans l'un des enjeux principaux des BU. Si la transition vers l'électronique est quasiment complète pour les périodiques de niveau recherche où les éditeurs anglo-saxons ont une place prééminente, l'édition à destination des étudiants reste majoritairement ancrée dans le modèle classique de la diffusion imprimée. L'édition française, malgré quelques intéressantes exceptions, fait preuve de conservatisme et de frilosité. Le panorama que l'on peut dresser se caractérise par une offre dispersée avec des plateformes multiples, des modes de diffusion allant de l'accès au document PDF ou ePub au streaming, avec trop souvent des mécanismes de restriction des usages plus ou moins grands par l'utilisation de digital rights management (DRM), sans parler de toutes les questions liées à l'authentification. Bref, un casse-tête pour le lecteur qui renonce très souvent.
Couperin a fait connaître, il y a quelques années, les attentes des bibliothèques avec les "10 commandements d'une offre idéale d'ebooks" ; ce document, qui va prochainement être actualisé, fixe un cap toujours d'actualité. On pourrait croire que les difficultés sont d'ordre technique, ce n'est plus le cas aujourd'hui ; il suffit de consulter les catalogues de livres électroniques à destination directe du public pour s'en convaincre. Les grands éditeurs ont pleinement muté et proposent une grande partie de leur catalogue au grand public mais refusent de construire une offre commerciale à destination des bibliothèques.
Penser que les BU vont, avec une offre numérique, assécher le marché du manuel est une erreur. Le mieux serait encore d'expérimenter grandeur réelle sur un nombre significatif de collections pour s'en assurer et identifier les difficultés réelles et non fantasmées. Laisser les bibliothèques académiques en dehors du dispositif de diffusion numérique, c'est assurément prendre le risque de laisser la majorité des étudiants ignorer l'existence de ce type de document et ne pas construire les usages qui seront les leurs une fois qu'ils seront sortis de l'université.
Les pouvoirs publics ont beaucoup aidé des éditeurs à numériser leur fonds sans réelle contrepartie en termes d'élaboration, au minimum, d'une offre à destination des bibliothèques discutée avec les intéressés. Il est grand temps de réorienter cette politique et d'instaurer des mesures incitatives pour faire émerger une offre à destination des bibliothèques."
Outre ses responsabilités au consortium Couperin, réseau de négociation et d'expertise des ressources documentaires électroniques pour les bibliothèques universitaires, Grégory Colcanap est directeur du service commun de documentation de l'université d'Evry Val-d'Essonne.