
Une centaine d’apprentis de l’Institut national de formation à la librairie, d’étudiants de Villetaneuse ou Paris-10, quelques libraires et institutionnels, ont assisté aux tables rondes sur « La librairie et ses territoires » proposées par l’INFL et le Motif (Observatoire du livre et de l’écrit en Ile-de-France) le 27 mai au théâtre Berthelot à Montreuil. Au programme : réflexions théoriques, retour sur les pratiques et analyses de l’action politique. « C’est notre première journée de réflexion sur le métier ; il y en aura d’autres car nous voulons donner matière à penser », a annoncé Olivier L’Hostis, président de l’INFL et directeur de L’Esperluète à Chartres.
Prendre en compte le territoire dans lequel s’inscrit leur activité, ses caractéristiques, ses contraintes et ses évolutions s’impose comme une nécessité pour les libraires. Ce qui n’a pas toujours été le cas, de l’aveu de Jean-Marie Ozanne, fondateur de Folies d’encre. « J’ai mis beaucoup de temps à comprendre que la notion de territoire, ce n’était pas à moi de la déterminer, mais qu’elle émanait de la démarche de nos clients », a-t-il dit, mentionnant « la difficulté de penser et réfléchir le territoire dans ce qu’il peut avoir de mouvant, dans les représentations et les pratiques de commerce culturel qu’ont les clients ». Des mutations détaillées par René Péron, docteur en aménagement du territoire et chercheur au CNRS, évoquant le paradoxe contemporain du « débordement complet du modèle de la proximité et du village, et sa résurgence permanente à travers les initiatives de maires, d’ensembles de communes ». Pour Xavier Capodano (Le Genre urbain, à Paris), « la librairie doit faire cet effort de comprendre ce qui se joue autour d’elle et accompagner ce processus d’évolution territoriale. Nous sommes un commerce à part, oui, mais aussi un commerce comme les autres ! »
Directeur d’Ombres blanches à Toulouse, Christian Thorel est pour sa part convaincu que « les librairies sont, dans la ville, un lieu d’expression poétique et politique ». Et cela passe avant tout par une fine et solide connaissance des catalogues des éditeurs, et la capacité à les organiser pour faire de la librairie « un mélange de jardin à la française et de jardin à l’anglaise ». Comme l’a rappelé Philippe Authier, ancien directeur de Camponovo à Besançon et de L’Ecriture à Vaucresson, le libraire doit avoir trois compétences : « Avoir non pas des certitudes, mais une curiosité et une capacité à l’empathie. Etre une espèce de mémoire vivante de l’écrit. Et savoir se donner des coups de pied aux fesses : si l’on s’ennuie une minute dans son magasin, il faut en sortir immédiatement ! Notre métier se sauvera si l’on sauve ses valeurs. » Autant de messages à destination des futurs libraires.
Catherine Andreucci