Dans la collection "Noire" des éditions Gallmeister, on a déjà pris plaisir à retrouver les attachants personnages campés par William G. Tapply ou Craig Johnson. Le nouveau venu au catalogue se nomme Benjamin Whitmer et ne leur ressemble guère. C'est non dans le Montana mais à Cincinnati que nous invite cette fois un auteur né en 1972, qui a grandi dans le sud de l'Ohio et au nord de l'Etat de New York.
Divisée en deux, la ville ne respire manifestement pas la joie. Ancien du Vietnam, Derrick Krieger, un flic aux méthodes tranchées, a déclenché les émeutes. Il était en train de piéger un jeune Noir pour faire tomber un groupe de dealers lorsqu'il l'a abattu de deux balles dans le dos avant d'être suspendu de ses fonctions. Derrick va croiser la route de celui qui donne son nom au premier roman de Benjamin Whitmer.
Pike n'est pas un homme facile. Il a habité Juarez, au-dessus d'une librairie, a abusé de la coke à El Paso, où il tabassait les petites frappes à coups de crosse, a été videur dans un bar à blues et dealer d'héroïne à Kansas City. A Denver, il a fait pire encore. Ce dur à cuire barbu loge désormais dans un studio, dans un immeuble industriel en brique, fume des Pall Mall sans filtre, roule dans un pick-up Ford 1964 où il écoute exclusivement de la country.
A ses côtés, on note la présence d'un jeune boxeur au direct puissant, Rory. Pike va avoir besoin de son aide. Sa fille Sarah, droguée et prostituée, qu'il n'avait pas vue depuis six ans, vient de mourir d'une overdose dans la cuisine de sa maison. Elle laisse derrière elle Wendy, fillette qui a un chaton prénommé Monster, lit déjà Edgar Allan Poe et s'installe chez un grand-père qu'elle ne connaît pas.
Noir, très noir, Pike dégage une tension permanente, une violence sourde ou bien réelle. Il faut avoir le coeur solidement accroché pour entamer ce roman coup de poing et y découvrir un héros qui ferait presque passer le Parker de Richard Stark pour un premier communiant