Avant-critique Roman

Qui dit je en elle. Au moment de remplir le formulaire d'inscription à l'université d'échange aux États-Unis, Adikou doit préciser son ethnicité. Caucasienne ? Africaine ? Afro-américaine ? Moitié française, moitié togolaise, l'héroïne éponyme du premier roman de Raphaëlle Red ne sait quelle case cocher. « Elle s'était demandé s'il fallait appliquer la loi de la goutte : sur les plantations états-uniennes [...] il suffisait d'une goutte de sang noir pour teinter une personne. » « Autre » est finalement ce qu'elle inscrit.

Cette fiction aux accents autobiographiques est une enquête sur l'identité. L'identité n'est-ce pas ce qui est idem, la même chose ? Pourtant le hiatus entre ce que la primo-romancière ressent et ce qu'elle projette se fait ressentir par deux fois de manière aiguë lors de deux voyages aux antipodes : l'un en Amérique pour approfondir ses notions de la condition noire, l'autre en Afrique pour retrouver les racines paternelles. Sur le campus outre-Atlantique, on reproche à cette sister de n'adhérer au combat que du bout des lèvres, alors que son petit copain blanc, à l'inverse, ne voit pas pourquoi cette Française bourgeoise, qui a été biberonnée à l'universalisme républicain, voudrait jouer les Malcolm X. À Lomé, elle est accueillie par un ami de son père qui prononce son nom « Adikui » et lui révèle d'autres faces insoupçonnées de la terre des ancêtres. Raphaëlle Red ourdit ingénieusement l'écheveau de son récit en mêlant les impressions de son héroïne, espèce de Candide racisé pris dans le tourbillon de la réflexion postcoloniale, et en taillant dans le vif de la chair métisse.

Raphaëlle Red
Adikou
Grasset
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18,50 € ; 224 p.
ISBN: 9782246835318

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