26 septembre 17 octobre Essai Revue France

Hasard du calendrier éditorial, ou concomitance volontaire, deux publications, chez Gallimard, viennent remettre en lumière les Ecrits sur l’art de Malraux, formidable entreprise et pan fondamental de son œuvre. En son temps, quelques esprits forts, universitaires, historiens et critiques d’art, s’étaient gaussés. Mais la reparution de l’ensemble en deux volumes réinventés par la « Pléiade », en 2004, l’a, en quelque sorte, réhabilité et lui a rendu sa dimension monumentale.

Dans Le stupéfiant image, titre emprunté à Aragon mais livre très « malrauxoïde », Régis Debray rétablit bien les positions : « Malraux est trop érudit pour les littéraires, trop littéraire pour les érudits. Il ne parle pas le philosophe tout en alignant les philosophèmes. » Ces définitions, quelque part, ne pourraient-elles pas s’appliquer à Debray lui-même, écrivain-médiologue, ex-révolutionnaire assagi (?) en « gaulliste d’extrême gauche », académicien Goncourt et trublion dans notre paysage littéraire ? Debray, donc, sans vouloir se comparer au maître ès métamorphoses, a rassemblé et organisé ses propres écrits sur l’art (au sens large), pour constituer l’un de ces recueils composites et cohérents dont il a le secret, à l’image du récent Modernes catacombes (Gallimard, 2013), consacré à la littérature française contemporaine. « Au long des siècles » (depuis la grotte Chauvet), puis « Au fil des jours », au gré de rencontres intellectuelles ou réelles, on le suit dans son parcours et sa réflexion. La palette est large et riche. On en retiendra, justement, son texte « Malraux et l’art à l’estomac » - mais où est-il allé chercher que Malraux, pionnier des arts « premiers », avait « récusé en son temps l’art brut » ? Une vivante évocation de dîners avec Matta et Michaux - qui aurait détesté se faire traiter de « Belge pince-sans-rire » -, ou encore un beau texte sur le travail d’Ernest Pignon-Ernest. Moins « réac » qu’il veut bien le faire croire, Régis Debray intègre à son musée imaginaire la photographie (ce n’était pas le cas de Malraux, aux yeux de qui elle demeurait un outil plus qu’un art), le street art et même la BD. Ne vient-il pas de publier Cher Régis Debray, chez Futuropolis, sa correspondance dessinée avec Alexandre Franc (1), où il est question aussi de Malraux ?

La NRF, elle, nouvelle façon thématique, ose Un musée imaginaire, résolument placé sous le haut patronage de l’écrivain, qui fut l’un des gourous de la maison et l’un de ses éditeurs. L’ensemble est, par principe, éclectique. On y trouve, notamment, une réflexion de l’universitaire Henri Godard sur le musée imaginaire et le musée réel, un texte du prix Nobel turc Orhan Pamuk sur son Musée de l’Innocence à Istanbul, et un passionnant entretien avec Jean-Luc Godard qui célèbre un ouvrage peu connu de Malraux, Psychologiedu cinéma. Celui-là aussi mériterait sans doute d’être relu. J.-C. P.

(1) Voir LH 964 du 6.9.2013, p. 70.

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