21 août > BD France

Ainsi c’est à Kishinev (l’actuelle capitale de la Moldavie, Chisinau), connue pour ses pogroms sanglants, que Joann Sfar situe la dernière étape de l’épopée picaresque de la petite troupe hétéroclite d’artistes, juifs ou gitans plus ou moins brigands, qu’il a rassemblée et promène depuis huit ans sur les chemins du Yiddishland d’Europe centrale à l’aube du XXe siècle. A Kishinev, ou plutôt autour. Les échos du premier pogrom (6-7 avril 1903 ; le second aura lieu dès 1905), prélude au génocide qui marquera le siècle, parviennent bien à Yaacov, Vincenzo, Tchokola ou Hava. Ils s’en approchent. Ils en croisent les protagonistes. Mais il ne leur est pas complètement révélé, d’autant que les Juifs survivants sont empêchés d’enterrer leurs morts tant qu’ils n’auront pas tous été photographiés pour témoigner devant le monde.

La légèreté, la fantaisie, l’humour avec lesquels Joann Sfar traverse depuis le premier volume de Klezmer l’univers juif ashkénaze d’Ukraine, de Pologne et de Russie, celui qui allait disparaître mais dont est issue sa mère, alors que son fameux Chat du rabbin, en Afrique du Nord, décrivait le monde séfarade de son père, prend ici un sens plus dramatique. Il s’agit de vivre malgré tout. De porter le plus dignement possible le poids de l’impensable disparition. D’en garder le souvenir sans en être écrasé.

Fabrice Piault

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