Pour soigner l'entrée en littérature de nouveaux romanciers et limiter les risques, les éditeurs optent pour une production resserrée de premiers textes. Alors que le nombre de fictions prévues pour cette rentrée d'hiver 2022 s'envole, celui des premiers romans se réduit légèrement passant de 63 à 61. Du côté des éditeurs, seuls 15 % d'entre eux ont choisi de publier plusieurs primo romanciers. Parmi eux, des grandes maisons littéraires comme Grasset, Robert Laffont (4 titres chacun), Gallimard (3 titres), Lattès (3 titres) mais aussi des éditeurs indépendants tels que les éditions du Panseur ou la maison Suisse, Slatkine (2 titres chacun).
La production de janvier février 2022 confirme aussi une tendance déjà lancée à la rentrée dernière. Les femmes primo romancières sont plus nombreuses que les hommes, puisqu'elles signent près des deux tiers des premiers romans (61 %). Ainsi Plon mise sur deux primo romancières Delphine Saada et Anaïd Demir quant au Cherche Midi, on ne connaît qu'une seule chose de l'autrice de La récitante : son sexe. Sous le faux nom Ève-Marie des Places, elle aurait envoyé anonymement son manuscrit à la maison puis refusé toute rencontre physique.
L'université Paris-8 en force
Concernant la catégorie socioprofessionnelle des auteurs, pour la majorité d'entre eux, les arts et le livre représentent une part non négligeable de leur activité. On retrouve notamment des libraires (Marie Claes chez Autrement, Guillaume Aubin à la Contre-Allée), des artistes (Laura Tinard au Seuil), des chanteurs (Maruska Le Moing chez Gallimard) et des comédiens (Louise Pasteau chez Albin Michel). Une relative homogénéité dans laquelle se sont glissés quelques profils originaux. Pour son seul premier roman de la rentrée, Bouquins est allé chercher du côté des forces occultes avec un ouvrage du fondateur du cabinet de curiosités Tryangle, Quentin Bruet-Ferréol. Les éditions Genèse ont pris une tout autre direction, celle de la Belgique, avec l'ancienne fleuriste de la famille royale du plat pays, Dominique Van Cotthem. Pour compléter l'affiche des petits nouveaux de la rentrée, une personnalité déjà bien connue du monde médiatique français : le journaliste Aymeric Caron s'aventure dans la fiction auprès de Robert Laffont, après avoir publié plusieurs essais.
Nouveau vivier d'auteurs, les cursus universitaires de création littéraire irriguent cette cuvée d'hiver. Anouk Lejczyk (Éditions du Panseur), Adèle Rosenfeld (Grasset), Diadié Dembele (Lattès), Hélène Laurain (Verdier)... cette année, plusieurs primo romanciers ont fréquenté le master de création littéraire de Paris-8 Saint-Denis. Autre dénicheur de talents, le prix du Jeune Écrivain avait repéré deux des primo romanciers de cet hiver. Il a en effet récompensé Guillaume Aubin (La Contre-Allée) pour deux nouvelles en 2015 et 2016 et sélectionné en 2010, 2013 et 2014, Laurine Thizy (L'Olivier).
Reflet de la société, cette rentrée d'hiver 2022 est portée par des héros dont l'appétit de vie est insatiable. Souvent issus de milieux précaires comme Mathilde, victime de viol au cœur du roman de Lucie Génin (Éditions du sous-sol) ou Victor, un jeune homme de 17 ans seul à l'épreuve de Paris (Matthieu Zaccagna, Noir sur Blanc), les personnages suffoquent sous les difficultés. Sculpteurs, ils font de leurs galères une force qui prend différentes formes. On la retrouve sous l'angle révolutionnaire dans Au printemps on coupe les ailes des oiseaux de Marion Guénard (Éditions de l'Aube), créatif dans Watergang de Mario Alonso (Le Tripode) ou oratoire dans Homéophore de Yann Brunel (Gallimard).
