« Icône réactionnaire » pour certains, incarnation de la poésie populaire pour d’autres, Sylvain Tesson fait ces derniers jours parler de lui. Ceci aussi bien dans les meilleures ventes que dans une polémique autour de sa nomination en tant que parrain du Printemps des poètes 2024, polémique qui a ouvert le débat sur la liberté d’expression dans la littérature.
Tesson ou pas Tesson, telle est la question ?, interroge France inter dans sa matinale du 23 janvier. Elle donne la parole au critique Arnaud Viviant et à l’auteur Pascal Bruckner, dont les points de vue sur le sujet divergent. Au départ de la discussion : une tribune, publié en fin de semaine dernière par Libération et signée par 1 200 acteurs du monde culturel contestant la nomination de Sylvain Tesson. « C’est le suicide d’une certaine gauche culturelle qui ne sait que prononcer l’anathème », a déclaré Pascal Bruckner, rapprochant le texte collectif de la censure dont faisait l’objet Charles Baudelaire, et d’autres auteurs de son époque. « Une tribune n’est pas un tribunal » a rétorqué son interlocuteur. « On a le droit de dire qu’on est fâchés que Tesson, très idéologiquement marqué, soit le parrain de cette manifestation autour de la poésie. »
Tribunes contre tribunes
Pascal Bruckner a d’ailleurs pris part à une contre-tribune, parue dans Le Point le 22 janvier. « Il est pour le moins paradoxal, sinon franchement contradictoire, que les poètes, écrivains, éditeurs et artistes, qui sont censés défendre les droits de l’homme, puissent sombrer dans les pernicieux travers du terrorisme intellectuel » s’étonnent ses cosignataires, qui comptent dans leurs rangs Luc-Olivier d’Algange, Jeannette Bougrab et Luc Ferry. Une opinion relayée par les médias Europe 1, Cnews ou encore Valeurs Actuelles, qui a titré « Les cafards se rebiffent ».
Mais le débat va plus loin que le simple positionnement politique des défenseurs et détracteurs de Sylvain Tesson. Se positionnant à gauche, les auteurs Nicolas Mathieu et Olivier Morin ont exprimé un avis favorable à la nomination de l’écrivain : « Tesson me fait du bien quand il parle du froid, de l’eau, des kilomètres à abattre, de la géographie, de la toponymie. Facile, me direz-vous ? Pas si sûr ! Le brio n’est pas à la portée de tous les poètes » a écrit Olivier Morin dans une tribune, également publiée dans Libération.
« Sylvain Tesson n’est pas seulement un « écrivain réac assumé ». Il entretient avec l’extrême droite un compagnonnage ancien » explique de l'autre côté la journaliste de Mediapart Ellen Salvi, avant de citer l’enquête de François Krug Réactions Françaises éditée par le Seuil en 2023. Le contexte politique de cette nomination, caractérisé par « une montée de l’extrême-droite » est mis en avant par les auteurs de la tribune de Libération.