3 JANVIER - ROMAN France

Toute jeune, après de brillantes études à Paris - cette normalienne n'a que 26 ans -, Alice Zeniter s'est installée plusieurs années à Budapest. Un séjour qui a marqué l'écrivaine précoce, auteure d'un premier roman à 16 ans. Son deuxième livre, Jusque dans nos bras (Albin Michel, 2010), avait été écrit là-bas. Ce troisième s'y déroule. Sombre dimanche décrit la jeunesse de trois générations de Hongrois meurtris par l'Histoire : un grand-père, son fils et son petit-fils, tous héritiers de drames collectifs et secrets. C'est surtout quinze ans de la vie d'Imre, garçonnet craintif, enfant dans les années 1970 sous le régime communiste, adolescent la décennie suivante, et des siens. Dans la famille Mandy, il y a donc le père, Pal, né à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans des circonstances dramatiques, et la mère, Ildiko, la soeur aînée, Agi, et le grand-père, antisoviétique forcené qui se saoule avec fureur tous les 2 mai, jour anniversaire de la mort de sa femme en 1955. Tous sont accrochés à une petite maison de bois sur un triangle de terrain coincé entre les rails, à portée de vue de la gare de Nyugati à Budapest : des naufragés sur un îlot recouvert chaque matin des détritus lancés par les passagers des trains de nuit et où trône aussi un transformateur. Les parents travaillent à la gare : le père y tient un petit café, la mère est au "guichet des voyages intérieurs". Le garçon apprend la vie auprès de Zsolt, plus mûr, plus audacieux, plus ambitieux, qui veut devenir poète. Mais s'ils fantasment sur les blondes californiennes, trop de choses obscurcissent à la fois le passé et l'horizon d'Imre et, à l'âge adulte, les trajectoires des deux amis se séparent tandis qu'après 1989 et la chute du mur de Berlin s'ouvre une nouvelle ère dans le pays. Le jeune homme traverse cette période d'ébranlement, livré à lui-même : il travaille en cachette dans un sex-shop, enterre sa mère, assiste impuissant à la dépression de sa soeur adorée, rencontre une jeune Allemande qui cherche la "vraie vie"...

Avec cette chanson hongroise réaliste et douloureuse, Alice Zeniter met résolument le cap vers la fiction.

30.10 2014

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