Portrait

Sébastien Fresneau, l'homme-orchestre

Sébastien Fresneau - Photo Olivier Dion

Sébastien Fresneau, l'homme-orchestre

Arrivé discrètement en 2016 à la direction de Livre Paris, en provenance de l'univers musical, Sébastien Fresneau y a rapidement trouvé ses marques. Il prépare aujourd'hui sa troisième édition, porte de Versailles, du 15 au 18 mars. _ par Michel Puche

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Par Michel Puche
Créé le 11.03.2019 à 19h06

Au moins connaît-il la musique, au sens propre. Sébastien Fresneau, qui présentera le 12 février au côté du président du Syndicat national de l'édition, Vincent Montagne, le programme de son troisième Livre Paris, a vécu une riche carrière dans le secteur musical avant d'atterrir en 2016 dans celui de l'édition comme directeur de sa manifestation phare. Diplômé de l'Essec, il a d'abord travaillé pour la division musique de Bertelsmann (BMG) comme chef de produits. Pour EMI, ensuite, qui était alors une des majors du disque, il est parti au Japon (2006-2010), puis à Londres (2010-2014). Et c'est lui qui a frappé à la porte de Reed, leader mondial de l'organisation de salons, pour œuvrer initialement sur le Marché international du disque et de l'édition musicale (Midem), dont il a finalement refusé la direction en 2016. De ses années « musique », ce quinquagénaire natif d'Alençon (Orne) se souvient volontiers, évoquant son bureau à Abbey Road, Jacques Higelin, qu'il a ramené dans le giron d'EMI, ou bien le pittoresque imprésario d'Aznavour. Mais en 2016, Sébastien Fresneau, qui n'a jamais voulu d'une carrière d'ingénieur, regarde déjà depuis quelque temps vers l'édition.

En 2002, membre du jury du Livre Inter, c'est lui qui annonçait au journal radio de 13 heures le nom du gagnant - Christian Gailly. Grand lecteur très jeune car privé de sport pour cause d'asthme - il s'est rattrapé depuis en pratiquant le trek, le karaté, puis le yoga -, Sébastien Fresneau cite parmi ses écrivains familiers Paul Bowles et Graham Greene - peut-être une influence de sa mère, professeure d'anglais -, mais aussi Blaise Cendrars ou Aragon. Plus près de nous, il apprécie également Jean Echenoz ou Tanguy Viel. Cette passion pour l'écrit n'a pas échappé à l'éditrice Marion Mazauric, qui confie l'avoir « découvert par les livres, parce qu'il est avant tout un lecteur passionné, curieux de tout, ouvert et généreux, mais également exigeant. Il lit et prête attention à tout, ce qui est formidable à son poste. Loin des coteries et étranger à tout snobisme, modeste et plein d'humour, attentif à chacun, on le croise absolument partout sur le terrain des livres, surtout loin de Paris, de Francfort aux Utopiales. » Sébastien Fresneau a fréquenté aussi les festivals Etonnants voyageurs, à Saint-Malo, ou America, à Vincennes.

« A l'écoute »

Recruté conjointement par Reed et le Syndicat national de l'édition (SNE), en joint-venture pour l'organisation de Livre Paris, Sébastien Fresneau est arrivé discrètement à son poste de directeur - on ne dit plus « commissaire » -, succédant à l'éphémère Laurence Paul Keller, qui elle-même avait pris la suite de Bertrand Morisset. « J'ai plutôt été bien reçu par les éditeurs », commente-t-il sobrement.

Avant de préparer sa première édition, en 2017, cet adepte des stratégies du changement s'est plongé dans les études de clientèle et les enquêtes de satisfaction sur le Salon du livre de Paris. De son expérience londonienne, il a retenu « l'efficacité commerciale », et de ses années japonaises « le service client ». Toutes choses fort utiles dans un job où l'on doit s'occuper de tout, de la ligne éditoriale de la manifestation jusqu'à la qualité de la nourriture sur les stands, au sujet de laquelle il promet, cette année, de faire un effort.

Comme directeur de Livre Paris, un salon sous mandat, on se retrouve immanquablement entre le marteau et l'enclume, en l'occurrence, Reed et le SNE. Le croyez-vous coincé ? Il assure en retirer plutôt une belle marge de manœuvre, même si sa mission relève d'un travail d'équilibriste. L'impétrant doit aussi tenir compte des attentes des professionnels, des contraintes logistiques de la porte de Versailles et des aspects institutionnels. C'est « un exercice triangulaire complexe », relève Louis Delas, directeur général de L'Ecole des loisirs, qui donne au passage sa vision de la manifestation : « C'est un salon du livre où tous les secteurs doivent être représentés. Il faut de l'objectivité dans les prises de décision. » Et pour l'éditeur, conseiller au bureau du SNE, pas de doute, Sébastien Fresneau « est à l'écoute », « il fait le job ». Jean Paciulli, directeur général de Glénat, complète à sa manière. « C'est un garçon très intéressé par la culture au sens large, un univers qui lui va bien, dit-il. Surtout, c'est un vrai diplomate qui a pris la dimension du poste et trouvé des idées. »

De la diplomatie, il en faut effectivement, comme en mars 2018, lorsque le président Macron a ignoré le pavillon russe le soir de l'inauguration. De quoi ressentir quelques sueurs froides, même si les choses se sont bien terminées avec le partenaire russe.

Impliquer les éditeurs

Plus que tout, Sébastien Fresneau prise le terrain, le concret, les équipes. Il aime aussi apprendre. Enthousiaste, il sait faire confiance aux jeunes. Il a par exemple recruté Adélaïde Fabre pour programmer la scène Europe, et misé sur Lucie Kosmala, 27 ans, venue de la rédaction du magazine en ligne MadmoiZelle, pour animer la scène young adult. Le directeur de Livre Paris affiche aussi beaucoup de respect pour les petits éditeurs - ce qui n'a pas toujours été le cas chez Reed. En témoignent très visiblement les 40 ans de Verdier, qui seront fêtés cette année sur la grande scène, ou encore la présence de L'Olivier dans le programme « Une aventure éditoriale ».

Discret sur le niveau de rentabilité de Livre Paris, Sébastien Fresneau insiste sur un point : ce rendez-vous doit refléter toute la diversité de la production éditoriale. « Ce n'est pas mon salon, je suis le gérant », rappelle-t-il. Sa troisième édition à la porte de Versailles devrait illustrer la volonté d'éditorialiser encore plus la manifestation et d'impliquer davantage les éditeurs. Il a demandé à Gauthier Morax, responsable de toute la programmation, de renouveler pour un tiers les formats déjà proposés au public. Car il faut aussi savoir prendre des risques, tout en évitant les couacs.

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