avant- portrait

Les faits géographiques et biologiques, c’était là un terrain sûr. Alors que les êtres humains, eux, étaient seuls à connaître leur vérité intérieure. Un réflexe de survie", écrit Rosamund Haden. Son père conteur berce son imaginaire, mais c’est un professeur qui encourage la créativité de l’écrivaine sud-africaine. Son parcours universitaire s’oriente vers l’anthropologie, l’anglais ou le xhosa, une langue africaine. La jeune diplômée part enseigner dans la première école indépendante noire. "Lorsque Nelson Mandela a été libéré, il est venu nous voir."

Rosamund Haden part ensuite pour Oxford. Nostalgique et solitaire, elle y compose L’église des pas perdus. "L’écriture est une échappatoire compulsive, dit-elle. Elle traduit mon vécu, mon ressenti et ma vision du monde." Celle-ci est ancrée dans la réalité sud-africaine. Engagée, l’auteure rejoint le fonds FunDza "qui fait don de livres aux démunis". Elle imagine des romans-feuilletons gratuits, diffusés sur téléphones mobiles. Elle crée les éditions Cover2Cover car "les adolescents noirs ne disposent pas d’une littérature reflétant leur vie. Quelle émotion d’assister à l’émergence de nouvelles voix. Parfois, on écrit ensemble pour combattre les préjugés racistes qui persistent." My name is Honoré (MML, 2003) retrace l’histoire des réfugiés rwandais. "Ici, ils sont cantonnés à l’invisibilité et à la dureté du quotidien. Je cherche à raconter l’histoire d’êtres humains."

Magie de l’amour

Cet esprit anime L’amour a le goût des fraises, traduit par une autre auteure de Sabine Wespieser, Diane Meur. Le titre, un brin suranné et enfantin, évoque selon Rosamund Haden "la saveur douce-amère de l’écriture et de la vie. Les artistes me fascinent par leur capacité à se réinventer." Le roman s’ouvre sur la mort d’un peintre. Ce destin brisé confronte ceux qui l’ont côtoyé à leur fragilité. Françoise est son modèle préféré. "Or elle a beau offrir la nudité de son corps, nul ne s’interroge sur son existence cachée." Ce contraste conduit la romancière à "explorer la façon dont le passé affecte le présent. L’écriture est révélatrice de mystères…" Celui de Françoise est lié à sa sœur Doudou. Ces réfugiées rwandaises sont des rescapées de l’horreur, mais comment se recréer une nouvelle identité en Afrique du Sud ? "Elles rêvent de stabilité, alors qu’elles sont restées des enfants." C’est aussi le cas de Stella, l’autre voix de ce roman fin et féminin. Incapable de faire le deuil de sa mère, elle revisite les seuils de son enfance pour saisir la perte de son innocence. "Telle est la condition pour se libérer et avancer vers la nouveauté", estime l’auteure.

La magie de l’amour inonde également abondamment ses pages. "Ce n’est pas à l’Autre de nous sauver, mais l’amour est une rédemption. En décongelant nos cœurs, il est porteur d’un nouveau souffle de vie. La peur d’aimer est liée a une mise en danger, or mes héroïnes devront accéder à leurs sentiments verrouillés, pour renaître sous un autre jour."

Kerenn Elkaïm

Rosamund Haden, L’amour a le goût des fraises, Sabine Wespieser. Traduit de l’anglais (Afrique du Sud) par Diane Meur. Prix : 24 euros, 400 p. Sortie : 6 mai. ISBN : 978-2-84805-204-5

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