Comme la Fnac ou les enseignes d’hyper et de supermarchés, ces structures sont contraintes de neutraliser leur espace librairie. Or, "ce n’est pas toujours aisé de rendre inaccessibles uniquement les livres quand tous les rayons sont imbriqués", pointe Patrick Darrigade, le propriétaire de la Maison de la presse-librairie Darrigade à Biarritz.
Se conformant aux directives du réseau Nap (marques Maison de la presse et Espaces presse) dont il est adhérent, le commerçant invite donc tous ses clients qui veulent acquérir un livre à passer commande par mail ou par téléphone, même s’ils se trouvent en magasin (plusieurs se sont inscrites à notre carte "click & collect").
Un système complétement idiot
Pour contourner l’absurdité du système, Julien Bastien, propriétaire de trois Maisons de la presse à Haguenau (900 m2 dont la moitié pour les livres ; Saverne et Wissembourg, 250 m2) propose de la vente "assistée". Il met à disposition de ses clients présents en boutique un "bon de commande. Si le livre est en stock, nous allons le piocher directement en rayonnage. C’est un système complètement idiot mais qui me permet de rester dans les clous en regard du décret définissant les produits essentiels", assure le dirigeant.
Une idée qui séduit Alexandra Charroin-Spangenberger. La codirectrice de la Librairie de Paris à Saint-Etienne, qui a laissé ouvert son rayon presse, rencontre la même difficulté d’organisation. "Certains clients m’appellent pour passer commande d’un livre alors qu’ils sont juste derrière la vitre. Mais c’est la seule solution pour que je puisse leur faire une mise de côté et leur vendre légalement les ouvrages."
Assurant un service de grossiste pour plus de 500 petits diffuseurs de presse et de livres dans toute la France, la libraire témoigne d’une grande inquiétude. "Avec de telles mesures, on est en train d’assassiner le petit commerce de centre-ville qui n’a pas toujours les moyens humains, techniques ou financiers d’organiser du click and collect", s’insurge Alexandra Charroin-Spangenberger.
C’est le cas notamment de la Maison de la presse Le Cheylar, en Ardèche. Ayant reçu, lui aussi, les préconisations du groupe NAP, son propriétaire, Olivier Cros, a choisi de suivre celles de l’union syndicale des marchands de presse, Culture presse, qui invite les commerçants à laisser l’ensemble de leurs magasins accessibles. "En tant que marchand de presse, quel que soit le code APE", la vente de "tout produit présent" en magasin est autorisée, stipule le syndicat, qui ajoute toutefois un bémol : "ces ventes sont en principe accessoires à la vente de la presse". Acheter seulement un livre deviendrait alors illégal…