Comment peut-on être anglais ? Depuis L'affaire Shuttlecock (Robert Laffont, 1992) et jusqu'à aujourd'hui, Graham Swift, mais aussi nombre de romanciers britanniques de la même génération partageant une identique angoisse identitaire, de Martin Amis à Julian Barnes ou, même s'il est plus jeune, Jonathan Coe, ne s'est jamais vraiment posé d'autres questions. Et c'est cette vieille chanson déchue qu'est l'Angleterre, celle d'aujourd'hui, que documente, cette fois-ci frontalement, ce De l'Angleterre et des Anglais tout au long des vingt-cinq nouvelles qui composent ce recueil. Deux amis de jeunesse perdus de vue se retrouvent lorsque l'un des deux, d'un donjuanisme compulsif, propose à l'autre d'être témoin de son mariage. Un coiffeur londonien n'est pas sûr d'être très intéressé par la vie de ses clients. Un médecin se souvient de son père immigré. Un ostéopathe veuf se persuade que sa femme peut le voir lorsqu'il fait l'amour à sa nouvelle compagne. Une femme fait chambre à part depuis les révélations que sa fille lui a faites sur son père. Un juriste atteint d'une maladie en phase terminale se met à dessiner tous ses amis morts avant lui. Les personnages de Swift se succèdent dans un même et doux désespoir. Issus pour la plupart de la même classe moyenne, ils ont les mêmes boulots plus ou moins sordides et, pour les plus cultivés d'entre eux, se demandent simplement pourquoi on a donné le nom d'un des grands héros des guerres de Troie, Ajax, au produit qu'ils utilisent pour nettoyer les sols de leurs pavillons. Tout cela n'est pas très gai, et fend le cœur.
Olivier Mony
De l’Angleterre et des Anglais - Traduit de l’anglais par Marie-Odile Fortier-Masek
Gallimard
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 21 euros ; 336 p.
ISBN: 9782072731068