Stabilité dans l’informatique

"Nous n’avons pas à espérer de l’aide du côté de Windows 10 ou de la suite Office." Jean-Pierre Cano, First - Photo Olivier Dion

Stabilité dans l’informatique

Toujours en contraction, le marché peine à se renouveler. En manque de sujets porteurs, les éditeurs misent sur la consolidation des thématiques classiques et le développement Web.

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Par Cécile Charonnat
avec Créé le 05.05.2017 à 01h32

Pour la deuxième année consécutive, les éditeurs de livres d’informatique affichent un certain optimisme. Si le marché global accuse toujours une contraction en 2016, celle-ci semble se stabiliser, permettant à quelques uns d’entres eux, tel ENI, de réaliser "une année exceptionnelle", affirme Antoine Gilles, responsable marketing et digital de la maison nantaise. Même son de cloche chez Eyrolles, qui a vu se dégager, "pour la première fois depuis longtemps, une inversion de tendance", se félicite Eric Sulpice, directeur éditorial. Portée notamment par la programmation pour enfants, sujet sur lequel la maison a particulièrement misé, Eyrolles a renoué avec la croissance en 2016.

"Les jeunes Européens font un usage des chatbots proche de ce qui se pratique en Chine. Développer ce genre de service risque donc de devenir une obligation pour les entreprises françaises."Eric Sulpice, Eyrolles- Photo OLIVIER DION

Cette embellie, bienvenue sur un marché mature, ne parvient toutefois pas à effacer les zones d’ombre qui planent sur l’édition d’ouvrages informatiques. Le rétrécissement constant des rayons dans les circuits de distribution physique, la concentration des ventes chez les gros opérateurs, notamment en ligne "qui possèdent le savoir des datas et l’utilisent", souligne Antoine Gilles, ou l’appauvrissement de l’offre, due notamment à une réduction drastique des éditeurs ces dix dernières années, sont autant de facteurs qui pèsent sur les programmes éditoriaux, marqués par un certain attentisme. "Certes, on attend, mais on ne sait même pas ce que l’on attend : il est difficile de pronostiquer quel sujet sera porteur dans les années à venir", pointe Jean-Luc Blanc, responsable éditorial chez Dunod.

Retour au jeu vidéo

L’essoufflement des thématiques phares qui avaient animé le marché ces deux dernières années, Windows 10 et la programmation pour enfants, renforce cette incertitude. "Nous n’avons pas à espérer de l’aide du côté de Windows 10 ou de la suite Office, analyse Jean-Pierre Cano, directeur éditorial informatique et vie numérique chez First. Désormais bien installé chez les particuliers, le système peine à se déployer en entreprise et, même majeure, sa mise à jour, prévue en septembre, ne donnera pas un coup de boost aux ventes puisqu’elle n’engendre pas de changement de nom." Pour engranger du chiffre, l’éditeur parie plutôt sur un retour au jeu vidéo, avec la publication de plusieurs guides officiels et, en mai, un livre anniversaire sur l’univers de Zelda, ainsi que sur la reprise d’une collection phare de Pearson dédiée aux logiciels d’Adobe, "Classroom in a book". "Il n’existait plus de livres léchés sur ces sujets, or le public, amateur comme professionnel, est toujours là", explique Jean-Pierre Cano.

Malgré le tassement des ventes et la concurrence accrue, le directeur éditorial de First réfléchit également à une nouvelle offre de programmation pour enfants. Il s’agit de compléter la gamme, structurée autour de deux collections, l’une pour les 7-10 ans et la seconde pour les 10-14 ans, en apportant des ouvrages "encore plus enfantins, qui devraient permettre de se passer de l’adulte grâce notamment à l’introduction d’une histoire", détaille Jean-Pierre Cano. Constatant aussi un "effet plateau" sur les ventes, Eric Sulpice a imaginé un produit davantage ludique et multicible, s’adressant à la fois aux enfants et aux enseignants, souvent en manque de formation et de matériel pédagogique. Programmé en juin, le coffret J’apprends à coder avec Scratch, destiné aux 8-12 ans, se compose d’un livret et d’un jeu des sept familles comportant des défis de programmation, "renouvelle l’offre et peut être aussi utilisé lors d’ateliers en classe", promet l’éditeur.

Hormis cette innovation, Eric Sulpice, comme ses confrères, revendique pour sa soixantaine de titres programmés en 2017 une "stabilité", tant sur la forme que dans les sujets explorés, confinés à l’informatique personnelle, au Web design, à la sécurité, aux réseaux, aux datas et aux "makers" électroniques. Il s’autorise tout de même l’exploration d’une niche émergente, les chatbots, ces applications liées à des systèmes de messagerie et qui permettent de dialoguer de manière "intelligente" avec un robot. "Les jeunes Européens en font un usage proche de ce qui se pratique en Chine, constate Eric Sulpice. Développer ce genre de service risque donc de devenir une obligation pour les entreprises françaises."

Codage

Plus globalement, le développement Web constitue l’un des secteurs où la demande reste la plus dynamique selon les éditeurs. ENI, qui a toujours produit des livres sur le sujet, en a fait un "axe de développement prioritaire" avec pour objectif de "couvrir un maximum de sujets, indique Antoine Gilles. Cela correspond à une réelle tendance, les entreprises demandent de plus en plus de développeurs." A côté des ouvrages portant par exemple sur Wordpress ou différents langages de programmation ou de développement d’application, tels Swift, HTML ou CSS, la maison nantaise a concocté du 12 au 19 mai un jeu d’envergure nationale, "Code code codeurs", afin "d’identifier ENI comme éditeur de référence auprès des développeurs", espère Antoine Gilles. Chez Dunod, les deux titres consacrés au machine learning, signés Aurélien Géron et publiés en juin prochain, seront également "orientés développeurs et proposeront des mises en œuvre afin de servir d’outils de travail pour les professionnels", assure Jean-Luc Blanc. Un public que pourrait bientôt courtiser activement First. Grâce au partenariat conclu entre son distributeur, Interforum, et la société américaine d’impression numérique Epac (1), Jean-Pierre Cano voit ses perspectives s’élargir. Davantage tourné vers la cible grand public, il espère pouvoir en effet très prochainement produire et rentabiliser "des livres techniques dont lestirages sont plus faibles, 700 exemplaires par exemple, mais à des prix de vente plus fort". Et concurrencer directement les trois acteurs principaux : Eyrolles, Dunod et ENI.

(1) LH 1095 du 2.9.2016, p. 38 et 39.

05.05 2017

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