Ce n'est pas du feel good, même si, à un moment, la lecture de Proust est comparée au yoga. Pourtant, voici un livre qui fait un bien fou. Au moral, surtout. À travers l'histoire de son héroïne Clara, une jeune femme de Chalon-sur-Saône qui voit sa vie complètement bouleversée, épanouie, légitimée, grâce à sa découverte d'À la recherche du temps perdu, c'est l'amour de la littérature, de la lecture, dans sa tête comme à haute voix, sa transmission, son accessibilité à tous que célèbre Stéphane Carlier.

Clara Poitrenaud, donc (on apprendra son nom à la fin, quand elle s'inscrit à son premier festival de rue, au Creusot), est née à Dole. À 23 ans, elle exerce le métier de coiffeuse chez Cindy Coiffure, à Chalon-sur-Saône, chez la brave madame Habib, qui n'a pas eu que du bonheur. Chez elle, les clientes viennent aussi pour s'épancher. Comme Claudie, alias Claude Hansen, un chauffeur de car scolaire trans, toujours heureux en ménage avec sa femme Michèle. Lui aussi se révélera un lecteur de Proust, qui lui a, dit-il, sauvé la vie. Au début, Clara mène sa petite vie mémère, entre son chat antipathique, façon Garfield, et son copain JB, un pompier aussi beau que limité. Au bout de trois ans, elle ne le désire plus.

Et puis un jour, un client oublie au salon Du côté de chez Swann en livre de poche. Clara le récupère, le garde chez elle. Il y restera cinq mois avant qu'elle ne se décide à le lire. Et là, sa vie change vraiment. Au début, elle a du mal. Et puis, « plus elle le lit, mieux elle le comprend ». Elle devient même addict. Sa famille, son mec l'ennuient. JB, avec qui elle n'a pas fait l'amour depuis dix mois, va même la quitter. Le chat, lui, du coup, se fait câlin ! Alors, pour elle, tout devient proustien. Et, de la lecture de son écrivain favori, elle finira par faire son métier.

Seize ans après, devenue comédienne, elle revient à Chalon avec Isabella, la fille qu'elle a eue avec le beau Paolo, joueur de hang. La boucle est bouclée, le temps retrouvé. Belle performance de la part de Stéphane Carlier.