Comme son confrère le malheureux Frédéric Bazille (1841-1870), Gustave Caillebotte (1848-1894) fut longtemps sous-estimé par la critique d'art officielle. Pour leur malchance, ils sont nés riches, morts relativement jeunes (surtout le premier, mort à la guerre), et ils ne possédaient sans doute pas le génie de leurs amis Manet, Degas, Renoir, Courbet, Monet, qu'ils ont d'ailleurs soutenus, aidés, voire collectionnés. À sa mort, Caillebotte a légué à l'État français - qui n'en voulait pas -, pas moins de soixante-sept chefs-d'œuvre impressionnistes, qui font aujourd'hui le bonheur du musée d'Orsay.
Peut-être les deux hommes partageaient-ils aussi un autre secret, qui a contribué à les marginaliser : selon des spécialistes des gender studies, Caillebotte, à qui on ne connaît ni femme ni enfants, aurait été gay. En témoignent ses tableaux de nus masculins, comme les fameux Raboteurs de parquet (1875), ou surtout l'Homme au bain de 1884, où le peintre a pris un plaisir sensuel évident à ciseler les fesses de son modèle. Mais on ne saurait réduire à cela cet artiste multiple, dont les autoportraits, par exemple, sont admirables.
Bazille a été récemment remis à sa place, majeure. Caillebotte attendait son tour. Mission accomplie par Stéphane Guégan, dans cette monographie monumentale qui est aussi un essai. Selon lui, Gustave Caillebotte correspond à la conception que Baudelaire se faisait du « peintre de la vie moderne ». C'est notre modernité qui le redécouvre aujourd'hui.
Caillebotte. Peintre des extrêmes
Hazan
Tirage: NC
Prix: 99 € ; 280 p.
ISBN: 9782754112048