« Nous vivons dans un monde où la maternité relève de l'ordre naturel des choses. » Jamais remise en question, elle apparaît comme une évidence. S'il est désormais admis que l'instinct maternel n'apparaît pas forcément dès les premiers cris du bébé, il reste encore des tabous inaudibles. Le refus de la maternité en est un. « Comment une femme ne peut-elle pas vouloir d'enfant ? Une femme sans enfants n'est pas une femme. Elle ne comprend pas la vie. » Une pensée transmise de génération en génération... Or il existe une émotion encore plus « choquante » : le regret d'être mère. Il a fallu que la sociologue israélienne Orna Donath ouvre la voie dans un pays ultra-traditionnel pour que d'autres langues se délient. Qu'en est-il en France, l'une des championnes de la natalité ? Au départ, la journaliste Stéphanie Thomas avoue qu'« associer le regret et la maternité me semblait paradoxal », mais « chaque histoire était singulière ». Aussi va-t-elle à la rencontre du ressenti de ces femmes.

Dix d'entre elles témoignent de leur réalité oppressante. La grossesse de Lina « est venue tout arracher. Toutes mes illusions, ma construction identitaire, le rêve auquel je m'accrochais ». Les choses ne s'arrangent pas quand le bébé est là, au contraire. Aux yeux de Coline, « un enfant c'est un tyran » qui l'use quotidiennement. Certaines aiment leur progéniture, mais cela ne suffit pas à effacer ce sentiment permanent de gâchis, voire de trahison car il y a un tel décalage entre la maternité rêvée et celle vécue au jour le jour. Le mythe de la mère parfaite s'effrite, comme le reflètent de plus en plus souvent les réseaux sociaux (cf. le hashtag #regrettingmotherhood). Ils se font l'écho de ces mères désespérées, qui ont besoin de s'exprimer. C'est cet espace de liberté que leur offre cet ouvrage. « Leur rapport au regret est unique », soutient la journaliste qui a connu cela au sein de sa propre famille. Sylvie n'y va pas de main morte : « Si c'était à refaire, je ne referais pas mes enfants. J'en ai trop bavé. Ils m'ont tout pris. Mon temps, ma liberté, mon énergie. » Face à la montée de burn out parentaux, la société ne pourra pas toujours fermer les yeux.