Avec les premières tournées d’auteurs français en Allemagne, l’opération "Francfort en français", à l’occasion de la mise à l’honneur du pays pour la prochaine Foire du livre, entre dans le concret. Jusqu’au mois d’octobre, 200 auteurs participeront à autant d’événements organisés dans plus de vingt-cinq villes. En attendant que, du 11 au 15 octobre, la foire elle-même n’attire sur les éditeurs français l’attention de leurs confrères du monde entier, il s’agit d’une occasion privilégiée de développer les positions de la littérature, de la pensée et plus largement de la création éditoriale française en Allemagne, où elles bénéficient d’ores et déjà d’un terreau favorable. L’édition allemande est une des principales clientes de l’édition française pour les droits de traduction. Astérix, Michel Houellebecq ou Eric-Emmanuel Schmitt obtiennent, outre-Rhin, des succès équivalents à ceux qu’ils rencontrent dans l’Hexagone.
On se souvient pourtant que le chemin pour en arriver là a été particulièrement accidenté. L’invitation de la foire a d’abord été accueillie par la France avec réticence, d’autant qu’une invitation d’honneur à Francfort constitue toujours pour le pays invité un cadeau coûteux, qui l’oblige à bâtir une ingénierie logistique et financière complexe. Il aura fallu le coup de gueule public d’un libraire parisien en vue pour que le dossier soit enfin étudié et mené à son terme. Et encore, le financement de l’opération demeure une préoccupation pour les organisateurs.
Cependant, le contexte géopolitique pourrait conférer à l’opération "Francfort en français" une portée bien supérieure à celle qui était anticipée au départ. Depuis qu’elle a été officiellement confirmée et que sa préparation a été lancée, le Royaume-Uni a choisi le Brexit, les Etats-Unis se sont donné un président ouvertement hostile à l’Europe, la démocratie se trouve remise en cause en Europe même, de la Hongrie à la Pologne, comme à ses frontières, en Russie ou en Turquie. Au point que l’événement apparaît de plus en plus comme l’une des réponses des deux pays moteurs de la démocratie européenne aux dérives du monde. Une réponse dans laquelle le livre joue le premier rôle.
