Grands prix d'automne

[Sur la route du Goncourt 2021] Christine Angot, "Le voyage dans l'Est" : les sentiers de la perdition

Christine Angot - Photo Flammarion

[Sur la route du Goncourt 2021] Christine Angot, "Le voyage dans l'Est" : les sentiers de la perdition

Dans l'attente de connaître le 3 novembre le nouveau lauréat 2021 du prix Goncourt, Livres Hebdo revient sur les 16 romans de la première sélection.

Par Vincy Thomas
Créé le 01.10.2021 à 20h00

Le prix littéraire le plus attendu de la saison, le Goncourt, annoncera son lauréat 2021, le 3 novembre. Livres Hebdo vous propose de revenir sur chacun des 16 romans en lice, révélé dans une première sélection le 7 septembre.
 
Trois ans après Un tournant de la vie (Flammarion), Christine Angot reprend la voie (et sa voix) de son trauma originel. Le Voyage dans l’Est, paru chez Flammarion le 18 août, la ramène dans son passé : l’adolescence à Reims, ponctuée de virées à Grenoble, Le Touquet, Strasbourg, Nice ou Paris. Dans cette jeunesse qu'elle ressasse, elle retrouve son père, longtemps absent de son existence, et qu’elle a si bien décrit dans Un amour impossible (Flammarion, 2015). Ce même père qui est à la racine de tous ses maux, et de tous ses mots, depuis le choc littéraire que fut L’inceste (Stock, 1999).
 
Christine ado, c’est le complexe social et intellectuel, c’est un corps encombrant et un esprit scindé en deux, avec, d’un côté les aspirations et les espoirs d’une femme en devenir et de l’autre la dévastation et la déception d’une fille abusée. Elle veut dire non, elle essaie d’avoir de l’autorité, mais la perversité du père l’emporte toujours. Elle veut exprimer son mal-être, elle veut se confier, mais les maladresses de la mère la font taire.
 
Avec cette autofiction, l’écrivaine s’impose une écriture lucide (« Tiens, ça m’arrive à moi, ça !? »). Ici, elle se souvient : des images, des scènes, des dialogues, des décors. « Je peux restituer, et réciter par cœur certaines phrases. Je ne pourrais pas imiter les tons de voix, mais je les ai en mémoire. Je peux les décrire. Ce qui peut manquer, faire défaut, c’est l’historique. L’ordre. L’enchaînement des scènes. La logique de certains gestes. Tel week-end ou tel autre. C’est plus difficile à garantir. Parfois, j’y arrive. Gérardmer, la bouche. Le Touquet, le vagin. L’Isère, l’anus. La fellation, c’est venu tôt. Il n’y a pas de date. »

Le grand retour d'Angot
 
Ce récit est celui d’une déflagration, d’une défragmentation aussi. Ce qui implique une reconstruction. Angot prend de la distance avec son sujet. Elle manie l’ellipse et la ponctuation pour donner le rythme qu’elle souhaite à ce flow de vérité brute. Elle observe et s'interroge sur ce fait, ce "bannissement", comme un scientifique observe une expérience chimique.
 
Le voyage dans l’Est, déjà vendu à près de 15000 exemplaires, et toujours présent dans le Top 50 fiction, a séduit les médias : invitée de "La Matinale" de France Inter, sélectionnée dans la liste des romans préférés de la rentrée dans Les Inrockuptibles, Télérama, ou la liste de France Culture/L’Obs. Elle est aussi dans la deuxième liste du Femina et dans les premières listes du Goncourt et du Médicis, ainsi que dans la sélection du prix Les Inrockuptibles.
 
Angot a déjà été auréolée du prix de Flore (Rendez-vous, Flammarion, 2006) et du prix Décembre (Un amour impossible). Pourquoi pas le Goncourt?

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