Des trous dans la carte. Terra incognita, « terre inconnue », était la formule consacrée dans les premières mappemondes pour désigner ces zones du globe encore inexplorées. La cartographie ancienne comblait sans scrupule le déficit de connaissances par des contrées fabuleuses et autres chimères. Au XVIIIe siècle, la rationalité des Lumières met un terme aux affabulations topographiques : les cartographes ont l'honnêteté de laisser l'espace inconnu vierge d'indications. La carte de « l'Isle Bourbon » (aujourd'hui La Réunion) de 1722 produite par le chevalier Denis Denyon en est une belle illustration : contours ultra-précis mais intérieur de l'île « laissé vide, habillé par une rosace d'orientation ». Dans Le blanc des cartes, Sylvain Genevois et Matthieu Noucher entendent faire parler ces vides de la cartographie. Ce nouvel atlas d'Autrement, cartographié par Xemartin Laborde, recense toutes sortes de blancs. Outre les abîmes insondables comme les fonds marins, il s'agit parfois d'une région mal étudiée par manque de données voire d'intérêt, « les territoires invisibilisés. » Quoi qu'il en soit, faire apparaître les blancs − comme les zones blanches de la couverture téléphonique en région ou encore l'absence d'information sur les lieux d'accueil pour gens du voyage en France − en dit long sur la relégation. Le système Street View de Google photographie les rues en 3D. Dans la carte ainsi produite, l'Afrique et l'Asie sont des déserts, reflétant la fracture à la fois économique ou informationnelle, si ce n'est démocratique - « une vision fragmentée du monde »
Le blanc des cartes. Quand le vide s’éclaire
Autrement
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 29 € ; 128 p.
ISBN: 9782080427793