Syrie : les avis divergeants d'Adonis et Jonathan Littell

Manifestation à Damas en novembre dernier

Syrie : les avis divergeants d'Adonis et Jonathan Littell

Le poète syrien et l'écrivain franco-américain ont deux visions différentes de la situation dramatique qui oppose le regime syrien à une partie de son peuple.

Par Vincy Thomas
avec vt, avec afp Créé le 15.04.2015 à 21h00

Les événements tragiques liés à l'insurrection syrienne ont conduit le poète Adonis et l'écrivain Jonathan Littell à réagir sur les exactions commises par le regime de Bachar al-Assad.

Le poète syrien exilé Adonis, de son vrai nom Ali Ahmad Saïd Esber, a porté un regard très critique sur l'opposition syrienne au président Bachar al-Assad, dénonçant l'appel aux pays occidentaux pour soutenir la révolte, dans un entretien accordé au magazine autrichien Profil.

"Comment peut-on poser les fondements d'un Etat avec l'aide des mêmes personnes, qui ont colonisé ce pays?" se demande Adonis, considéré comme le plus grand poète vivant du monde arabe. Il fait ainsi allusion au mandat exercé par la France en Syrie de 1920 à 1941 en application de l'accord secret anglo-français Sykes-Picot (1916) et du Traité de Sèvres (1920), après l'effondrement de l'empire ottoman, allié de l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale, la présence militaire française en Syrie ne prenant fin qu'en 1946.

"Je ne soutiens pas l'opposition" au président Al-Assad, indique le poète. Pour lui, une intervention militaire occidentale aurait les mêmes conséquences que la guerre déclenchée en Irak en 2003: "Le pays serait alors détruit".


Un bilan négatif du Printemps arabe

Dans le même entretien, Adonis tire également un bilan très négatif du "Printemps arabe". S'il reconnaît avoir été impressionné par le début du mouvement, il critique son évolution, avec l'arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie et en Egypte, après les élections organisées à l'automne 2011. "Il n'y a pas d'islamisme modéré", clame-t-il, comparant les Frères musulmans, grands vainqueurs des élections législatives en Egypte, à de "purs fascistes" (Les Frères muslmans ont appelé à la guerre sainte contre le régime syrien, ndlr). Selon lui, une véritable révolution dans le monde arabe ne peut avoir des chances de réussite que sur "des bases laïques".

L'écrivain franco-américain Jonathan Littell, prix Goncourt 2006 avec Les Bienveillantes (Gallimard), a livré un autre regard ce lundi matin sur les ondes de France Inter. Il y a raconté "la politique quotidienne de meurtre" dont est victime la population civile de Homs en Syrie, d'où il vient de rentrer.


Une politique quotidienne de meurtre

"Je suis parti le 2 février et les bombardements intensifs ont commencé le 3, mais déjà dans toute cette période, les deux semaines et demie qu'on a passées ... ce qu'on voyait c'était une politique quotidienne de meurtre, d'assassinat de gens, par le biais de snipers et de bombardements plus sporadiques qui vise à punir les quartiers soulevés", a déclaré l'écrivain, qui doit publier cette semaine un "carnet de guerre" dans le quotidien Le Monde.

Les forces syriennes et le régime de Bachar al-Assad "ne cherchent pas à tuer toute la population mais ils tuent quotidiennement des dizaines de personnes, des femmes et des enfants aussi, dans ces quartiers qui ont osé s'opposer au pouvoir", a-t-il ajouté en soulignant qu'il n'avait pas vu "de telles exactions" depuis la Bosnie, il y a près de 17 ans.

L'écrivain a également insisté sur les difficultés des médecins et des infirmiers. "C'est vraiment une guerre du régime contre l'aide médicale car tout médecin, infirmier qui prête assistance à un blessé est susceptible d'être arrêté et torturé, voire exécuté", a-t-il dit.


La répression du soulèvement populaire en Syrie a fait plus de 5 400 morts depuis mars 2011, selon un dernier bilan de l'Organisation des Nations Unies (ONU). La ville de Homs subit quotidiennement de lourdes attaques (artillerie, bombardements). Dimanche 12 février, la Ligue arabe a demandé aux Nations unies l'envoi de casques bleus.



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