17 mars > Roman France

Pour en connaître si bien les rouages secrets, les errements et les serments oubliés, ses idéalismes dévoyés, Marc Dugain doit aimer la politique et ses acteurs. Pour repeindre ainsi les contours de cette comédie parisienne, de livre en livre, aux couleurs du noir et de l’angoisse, il faut sans doute aussi avoir été beaucoup déçu. On laissera à la faculté le soin de démêler ce qui relève là de la schizophrénie, gardant comme lecteur le seul plaisir de se promener ainsi dans cette fastueuse galerie des monstres.

Il y eut L’emprise (Gallimard, 2014), puis, plus désolé encore, Quinquennat (Gallimard, 2015). Voici pour conclure Ultime partie (s’il n’est pas absolument indispensable d’avoir lu les deux premiers volets, disponibles en collection de poche Folio, c’est néanmoins préférable pour en apprécier l’ampleur feuilletonesque). On y retrouvera pour une implacable symphonie des adieux les âmes égarées tournant comme des phalènes autour du pouvoir ou de ses vestiges. Launay, le président dépressif à la violence sèche, son ennemi intime et ministre de l’intérieur, Lubiak, Corti, le chef corse d’un clan qui serait le renseignement intérieur, un journaliste d’investigation, un grand patron voltigeant avec cupidité d’une entreprise du CAC 40 à l’autre, des diplomates américains, pas mal de femmes égarées (ou qui font semblant de l’être), des conseilleurs qui ne sont pas toujours payeurs et ce grand cadavre à la renverse : la démocratie française. Ici, à la noirceur des âmes répond la jubilation romanesque d’un Marc Dugain qui sait que toujours, face à la doxa, la vérité est ailleurs ; que ce ne sont pas les idées qui mènent le monde, mais les hommes lorsqu’ils n’en ont qu’une, fixe : eux-mêmes. Le romancier signe pour la France, ce qui se rapproche sans doute des grands romans moralistes comme ceux de John le Carré. Terrifiant et passionnant. O. M.

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