La plupart du temps, il est devant. Une position qu'il avait toujours occupée plus jeune, sur le podium, lorsqu'il mettait K.O. ses adversaires. À 40 ans, Maxime Le Corre dit Max relève le défi – ce gant de boxe qu'il s'est jeté à lui-même – et remonte sur le ring. Pour l'heure le « champion de France, 2002 » est à l'avant parce qu'il est au volant : il est le chauffeur de M. le maire. Partout dans la petite ville côtière dont Quentin Le Bars est l'élu, Max le conduit avec diligence et discrétion, surtout quand le maire visite le quartier interlope du casino que dirige Franck Bellec, son ex-manager et soutien financier occulte de l'édile. Max ne demande jamais rien à son patron, si ce n'est cette muette approbation qu'il surveille du coin de l'œil dans le rétroviseur…
Ce jour-là, il ose le solliciter pour sa fille qui, de retour au bercail, a besoin d'un logement. Laura, que Max a eue à 20 ans, est jeune et jolie, voire sexy. Son image en sous-vêtements sur les panneaux publicitaires côtoie l'affiche annonçant le retour du Mike Tyson local dans un match qui promet d'être historique. Les éléments de l'affaire sont posés. Mais pas dans l'ordre. Cette demande de coup de pouce qui fleure le trafic d'influence n'est pas, on s'en doute, le fin mot de l'histoire, elle constitue les prémices de ce que va raconter la jeune femme à la police. Avec La fille qu'on appelle Tanguy Viel signe une fiction où sexe et pouvoir tissent l'écheveau d'un drame aux allures de polar.
Le maire a trouvé une chambre à Laura dans l'établissement de Franck. Normalement les filles qui sont logées à l'étage le sont contre un travail d'hôtesse en bas, au bar du casino, sous la supervision d'Hélène, sœur de Franck et jadis maîtresse de Max. Laura ne fait pas exception, elle fait même des extras. Quentin Le Bars monte la voir et obtient d'elle des faveurs comme une manière de loyer tacite. Régulièrement. Puis plus rien. Laura apprend aux informations que Le Bars a été nommé ministre des Affaires maritimes. Elle lui envoie un texto de félicitations. Ne percevant pas l'ironie du compliment, il répond sans intention de donner suite. Ni à ses fredaines ni aux services de son chauffeur qui vient de se faire démolir lors du prétendu « match de la renaissance », selon la presse régionale. Laura en revanche dépose plainte. Contre Le Bars ? ! s'émeuvent les policiers. Y a-t-il délit lorsqu'il y a emprise ? demande Laura. Ça dépend, lui répond-on. Et la mécanique narrative de Tanguy Viel de fonctionner à plein, nous suspendant au fil d'une parole qui risque à tout moment d'être étouffée sous le poids de la tradition patriarcale alliée à la puissance des gouvernants. Ainsi se déroule le drame, d'une implacabilité impeccable.
La fille qu'on appelle
Les éditions de Minuit
Tirage: 35 000 EX.
Prix: 16 € ; 176 p.
ISBN: 9782707347329