Après celle de Blueberry par Joann Sfar et Christophe Blain (Dargaud, 2019), Blutch (au dessin) et son frère Robber (au scénario) signent à leur tour une réinterprétation réjouissante d'un classique de la bande dessinée. Interrompues en 1997, les aventures de Tif et Tondu ont fait les beaux jours de Dupuis et du Journal de Spirou pendant plus de 45 ans et autant d'albums. Maurice Rosy puis Maurice Tillieux, qui en ont produit la plupart des scénarios, et Will, son principal dessinateur, ont conçu la série dans un esprit moins « boy-scout » que nombre d'autres créations franco-belges des années 1950 et 1960. Le duo - Tif, le chauve, et Tondu, chevelu et barbu - se lançait dans des aventures policières où intervenaient des éléments mi-scientifiques, mi-fantastiques (voir La matière verte, 1969). Mais il est toujours resté assez énigmatique.

Blutch et Robber comblent cette zone d'ombre en faisant des deux détectives amateurs... des écrivains. Ils leur ont même écrit un roman, L'antiquaire sauvage, paru dès septembre chez Dupuis. Tif et Tondu y retracent leur enquête sur un trafic d'art. Dans Mais où est Kiki ?, ils le dédicacent à la librairie L'arbre à strophes. Mais la fille de l'antiquaire véreux tente de les assassiner, et ils apprennent l'enlèvement de leur amie, la comtesse Amélie d'Yeu (Kiki). S'ensuit une aventure tirée par les cheveux au bon sens du terme, c'est-à-dire rocambolesque, où ne manquent ni les poursuites en voitures (des années 1970), ni l'accessoire pittoresque (une cape d'invisibilité). Blutch campe une belle théorie de personnages puisés dans la série, ses titres antérieurs, l'histoire télévisuelle (Pierre Bellemare) ou la BD (les univers de Forest ou de Lindingre). Il leur insuffle présence et mouvement, et ce grain de folie propre à ceux de ses œuvres.