Le contraste entre le titre de ce livre de photographies et l'image de couverture résume assez bien l'esprit de ce singulier projet. Dans Les cabanes de nos grands-parents, recueil de 82 portraits retenus parmi les 400 réalisés dans une trentaine de pays pendant cinq ans, Nicolas Henry a associé des vieux du monde entier à l'invention d'un logis-installation qui leur ressemble, raconte leur vie et celle de leur communauté. Dans une étrange association de mémoire et d'éphémère. Moins ethnographique et sociologique que métaphorique, la série ne vise pas le réalisme : cabanes et photos ont été toutes soigneusement mises en scène, éclairées (150 kg de matériel lumière ont été trimballés de l'Equateur au Brésil, des îles Vanuatu à l'Afrique du Sud ou au Japon) pour devenir le plateau d'un théâtre itinérant dont la scénographie a été imaginée à partir des objets et des récits appartenant aux personnages photographiés. Ce sont donc des décors de contes, enchantés, où la sophistication de l'image tranche avec la rusticité, la précarité des constructions souvent faites de branches et de feuillage, de toiles et de draps, plus proches de l'abri que de la maison, et qui évoquent, selon les lieux, le land art de Nils Udo (Dans les bras de l'oiseau amoureux en Equateur), l'univers de technologie de bazar de Michel Gondry (un homme sur le toit d'un immeuble de Tokyo branché sur des machines de sa création) ou encore le minimalisme naturel de l'arte povera de Giuseppe Penone (la cabane d'un chef aborigène en Australie).
Mais les installations qui apparaissent finalement comme les plus exotiques et inattendues sont peut-être celles conçues dans un appartement de Park Avenue, à New York, avec un couple très old english dans le Sussex, sur le bateau d'un pêcheur-sauveteur de Bandol ou dans le salon face à la forêt de Rambouillet de la pimpante grand-mère de l'auteur, inspiratrice du livre.
Le travail photographique de Nicolas Henry qui a également créé des cabanes pour le film de Quentin Clausin, A billion star hotel, à l'affiche dans quelques mois, fait et fera l'objet de nombreuses expositions.