Religion

Tous les livres mènent à Rome

Le pape François. - Photo Olivier Dion

Tous les livres mènent à Rome

L’élection, en mars 2013, du pape François rebat les cartes au sein de l’Eglise catholique, traversée depuis un an par une nouvelle dynamique. L’édition et le marché du livre religieux se recomposent avec le rachat de DDB, le tournant éditorial du Cerf, plusieurs réorganisations ou encore la fin du projet commun du réseau des librairies spécialisées Siloë.

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Par Anne Ducrocq
Créé le 03.04.2014 à 20h55 ,
Mis à jour le 04.04.2014 à 10h07

Pas facile d’être éditeur religieux aujourd’hui. Le marché est "précautionneux, tendu", résume Elsa Rosenberger. Pour la directrice du secteur religions au Seuil, "les bonnes ventes se font sur des sujets attendus et avec des auteurs installés, comme Le bouddhisme, une philosophie du bonheur ? de Philippe Cornu. L’originalité ne paie pas. Par ailleurs, la presse spécialisée est très catholique, et cela handicape ce que nous faisons en dehors". Quand le Seuil publie Argent, sexe et travail, de Chögyam Trungpa, l’éditrice le classe hors collection et met en avant la force qui est la sienne : un livre de spiritualité au quotidien. Chez ses confrères aussi, tout le monde réfléchit à deux fois avant de publier, et à trois fois pour construire ses argumentaires.

«Les bonnes ventes se font sur des sujets attendus et avec des auteurs installés. L’originalité ne paie pas. Par ailleurs, la presse spécialisée est très catholique, et cela handicape ce que nous faisons en dehors.» Elsa Rosenberger, Seuil- Photo OLIVIER DION

Proche de l’Eglise

Pourtant, 2013 s’est révélée une année de renouveau, et le changement vient, étonnamment, d’une institution fort âgée : l’Eglise. Si Frédéric Mounier, journaliste à La Croix, revient sur Le printemps du Vatican (Bayard), c’est bien parce que, il y a un an, la renonciation de Benoît XVI et l’élection du pape François, l’homme qui a symboliquement abandonné les chaussures rouges par humilité, ont absolument tout changé.

«Mon objectif est de faire s’épanouir le Cerf, maison du patrimoine et de l’intelligence chrétiens, à l’heure où le livre religieux semble en souffrance et où l’on assiste à un effondrement culturel.» Jean-François Colosimo, Le Cerf- Photo OLIVIER DION

Outre qu’il est populaire, le nouveau pape pose la question qu’on ne posait plus, celle de l’évolution-révolution de l’Eglise. De grandes réformes et des dossiers sensibles sont aujourd’hui sur la table. La papamania s’est emparée de l’édition, d’autant que le pape François, à la fois auteur et source d’inspiration, se révèle un véritable blockbuster éditorial. Depuis son élection, entre sa première encyclique Lumen fidei, son exhortation apostolique Evangelii gaudium (publiée en ordre dispersé chez plusieurs éditeurs, mais dans les meilleures ventes de Livres Hebdo depuis des mois) et les livres de lui ou sur lui, il a redonné du baume au chiffre d’affaires des libraires et des éditeurs. "C’est LE phénomène éditorial qui écrase tout le reste. Le pape fait vendre, le pape fait vivre", lance François Maillot, directeur général de La Procure.

«Un immense changement en 2013 : une baisse des prix et des formats consécutive à une chute du fonds de 20 %. C’est une vraie évolution et cela va nous amener à développer notre politique sur les nouveautés.» Gabriel de Montmollin, Labor et Fides- Photo YVONNE BÖHLER

En ce printemps 2014, l’an I de la révolution du pape François suscite un intérêt éditorial de qualité inégale, mais d’une ampleur inédite. On peut remarquer deux livres sérieux : François, un pape parmi les hommes de Christiane Rancé (Albin Michel) et François, un pape pour tous d’Isabelle de Gaulmyn (Seuil). Même Frédéric Lenoir a succombé aux charmes de l’homme en blanc avec François, le printemps de l’Evangile chez Fayard (1er tirage : 45 000 exemplaires). Et First, peu attendu sur cette partition, publie aussi Je m’appellerai François de Pierre Lunel, une bio express parue début mars. Le voyage du pape en Israël, en mai, suscitera probablement aussi des ouvrages intéressants. "Il occupe le terrain, donc il fait vendre", résume un libraire.

Le pape, mais aussi l’Eglise. La nouvelle "traduction officielle liturgique" de la Bible, publiée chez Mame, éditeur de liturgie depuis deux cents ans, est un autre événement ecclésial. Le livre et les textes entendus à la messe sont désormais les mêmes. "Elle est d’une qualité scientifique comparable à celle de la Bible de Jérusalem ou de la TOB. Il y a une nouvelle Bible de référence tous les trente ans. Celle-ci a nécessité un travail de dix-sept ans, mais c’est une production très durable. La marque Mame est centrée sur le fonds", se réjouit Guillaume Arnaud, éditeur général délégué et heureux éditeur. 35 000 exemplaires ont déjà été vendus. La maison avait décliné une offre avec quatre propositions de Bible à des formats différents. D’autres, notamment moins chers, seront proposés au cours de l’année 2014. Le second niveau de vie du texte sera la parution de lectionnaires, prévus en octobre. "Nous allons vivre au rythme de cette Bible encore toute l’année. C’est une aventure passionnante d’un point de vue éditorial tout autant que culturel", ajoute Guillaume Arnaud.

L’écrit après la mort

La double canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II le 27 avril déclenche également une salve éditoriale (voir LH n° 989, du 14.3.2014, p. 6 et la bibliographie p. 69). Pour l’occasion, fin avril, Bayard publiera les carnets intimes de Jean-Paul II : Je suis dans la main de Dieu, 1962-2003 (mis en place à 20 000 exemplaires, ce qui n’est plus si fréquent). Le pape polonais, autre "idole" en son temps, avait demandé à ce que ses carnets soient brûlés à sa mort. Mais, comme pour les écrits privés de mère Teresa (Viens, sois ma lumière, Lethielleux), l’Eglise a considéré que ce document spirituel posthume pouvait être édifiant. Parole et silence annonce dans le même esprit un programme "spécial canonisation". Les époux Sabine et Marc Larivé, qui dirigent la maison, sont entrés dans une vie moins trépidante après la vente de DDB à Artège (voir p. 66), Avec une identité connotée "Eglise", sauront-ils prendre le tournant de l’Eglise nouvelle du pape François ?

Car l’année devrait être encore assez "vaticanesque" avec de nouvelles actualités comme le très attendu synode sur la famille en octobre. Les débats d’Eglise ne font que (re)commencer. Ainsi celui posé par Le déni : enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes (Bayard, plus de 3 000 exemplaires vendus en trois semaines). Cette étude sans concession déconstruit le modèle patriarcal défendu par l’Eglise : "Les hommes sont au pouvoir, les femmes sont au service", résument les auteures, Maud Amandier et Alice Chablis.

A noter également un témoignage choc, paru en février : Le droit d’aimer d’Anne-Marie Mariani (Kero), un livre douloureux et courageux qui donne un nouvel éclairage à la question récurrente du mariage des prêtres. Cette mère et grand-mère témoigne pour la première fois : son père était prêtre et sa mère religieuse. Le père de La Morandais, prêtre depuis cinquante ans, adresse quant à lui une Lettre ouverte aux fidèles et aux rebelles de l’Eglise chez Le Passeur, qui vient d’emménager rue du Dragon, à Paris, une adresse valorisante… Des livres visibles tel En toute liberté de Roland Giraud, ou attendus comme Puisque tout est en voie de destruction de Fabrice Hadjadj, assureront mieux l’avenir.

Enfin, le père Zanotti-Zorkine, auteur vedette des ventes en 2012 (avec 4 titres dans les 50 meilleures ventes de livres religieux), a publié fin janvier Le passeur de Dieu (Robert Laffont) qui en est déjà à 11 000 exemplaires. Un fait rarissime pour un (premier) roman religieux ! Dans un tout autre genre, mais toujours symptomatique de l’attention que l’Eglise a attirée sur elle, First lance en avril un (gonflé !) Jésus-Christ pour les nuls d’Eric Denimal. Plus pointu, les Arènes publient en avril Le zélote de Reza Aslan, qui traite du Jésus historique (300 000 exemplaires aux Etats-Unis).

Religion et société

L’arrivée du pape François ne doit pas occulter une réalité : le christianisme est toujours en recul en Occident et la religion sans Dieu est une nouvelle forme de religion… C’est le propos de Religion sans Dieu de Ronald Dworkin (Labor et Fides) : s’intéresser à la religion, et à ses valeurs universelles, sans être croyant. Le positionnement d’Einstein revient dans l’air du temps.

Les sujets qui marchent en temps d’incertitudes ? Ceux qui interrogent l’identité.

Les problèmes liés à l’éthique (mariage pour tous, euthanasie…) ont fait couler de l’encre. Au centre des débats sociétaux en France, ils ont fait descendre les catholiques dans la rue, mais peu en librairie. "Politique et religion" est malgré tout un sujet porteur.

Salvator joue sa carte "conflits religieux-société civile" avec Frigide Barjot, Qui suis-je pour juger ?, "confessions républicaines" de celle qui fut porte-parole de la Manif pour tous, et Les Veilleurs, enquête sur un phénomène d’Henrik Lindell. Parallèlement, le P-DG de la maison, Yves Briend, investit sur l’éveil religieux, un secteur auquel il croit beaucoup. La famille n’est-elle pas dans l’air du temps ? Il lance la marque Salvator Famille, sous la direction d’Emmanuelle Rémond-Dalyac. Quinze titres, les uns confessionnels, les autres plus culturels, sont prévus d’ici à octobre 2014. Avec son pool de quatre éditeurs, Salvator a un privilège partagé par peu de maisons. Et une façon de tenir sa place par une offre multiple sur la table des libraires.

Les éditions de l’Atelier jouent également la carte de l’engagement avec la collection "Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire". En janvier dernier, Politique et démocratie de Jean-Luc Deroo et Maxime Leroy et, à la rentrée, un titre sur le logement. Un titre de la collection, Illusion financière de l’économiste jésuite Gaël Giraud (10 000 exemplaires), est même passé en poche. Les éditions de l’Atelier, en lien avec la Sofedis, ont également resserré leurs relations avec les libraires religieux en mettant deux commerciaux en lien permanent avec eux.

Face aux convictions religieuses parfois trop marquées, la société dresse le principe de laïcité. Pour mieux la penser, on peut consulter le Dictionnaire amoureux de la laïcité (Plon) d’Henri Pena-Ruiz, lauréat du prix de l’Instruction publique en 2000 pour son livre Dieu et Marianne: philosophie de la laïcité (PUF).

Histoire politique, culturelle, sociale et spirituelle, Histoire des relations entre juifs et musulmans, sous la direction d’Abdelwahab Meddeb et de Benjamin Stora, était une gageure pour Jean Mouttapa, directeur d’Albin Michel Spiritualités. C’est devenu l’une des plus belles réussites éditoriales de l’année : 12 500 exemplaires à 59 euros, pour 1 100 pages, un projet de traduction en arabe et un ouvrage de référence pour l’Education nationale, ce qui est rarissime pour un livre traitant de religions. L’ouvrage a capté toute la presse, ce qui a pénalisé d’autres ouvrages ambitieux comme le Dictionnaire des monothéismes, sous la direction de Cyrille Michon et Denis Moreau (Seuil), ou Dieu, une enquête (collectif chez Flammarion). En écho à sa somme sur le sujet, Albin Michel publie un livre magnifique, Les attentives : un dialogue avec Etty Hillesum, pour le centenaire de la naissance de celle-ci. Autre satisfaction pour l’éditeur, depuis octobre, les Cinq méditations sur la mort de François Cheng s’est vendu à 95 000 exemplaires.

Les sujets liés à la méditation, et par voie de conséquence à l’instant présent et aux vertus bouddhistes, ont aussi repris du poil de la bête depuis le (laïc) Méditer, jour après jour de Christophe André (300 000 ventes, aux Arènes). On ne présente plus Matthieu Ricard (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil), ni le grand maître du bouddhisme Thich Nhat Hanh (Prendre soin de l’enfant intérieur, Belfond, "L’esprit d’ouverture", 1er tirage, 5 000 exemplaires et déjà deux retirages depuis février) : ils monopolisent les meilleures ventes avec Fabrice Midal. Son Frappe le ciel, écoute le bruit (Les Arènes) en est déjà à 10 000 exemplaires depuis janvier (une réimpression est en cours). Une belle récompense pour les années de travail et d’engagement de l’auteur.

La vie intérieure est une nourriture comparable à nulle autre en période de crise. Michel Cool, éditeur chez Salvator, va diriger une nouvelle collection, "Petite bibliothèque monastique", avec des titres écrits par des moines ou des moniales. De fait, l’expérience monastique échappe à la vague de discrédit et de défiance qui frappe, dans la société sécularisée, les instances pourvoyeuses de sens. Premiers titres parus : Les moines ont-ils un avenir ? d’Armand Veilleux, L’extraordinaire originalité du christianisme de Guillaume Jedrzejczak et un récit sur la fascinante existence érémitique : Un moine à l’île de Quéménès de Jean-Yves Quellec.

Aggiornamento éditorial

En toile de fond, le paysage de l’édition religieuse, une famille pour le moins hétéroclite, est en plein bouleversement. Il y a les jeunes maisons qui "tiennent le coup" comme Le Passeur, quitte à afficher une ligne éditoriale évolutive ; ceux "qui changent de stratégie", tel le Cerf avec le "coup de tonnerre" qu’a représenté l’arrivée à sa tête de l’ex-président du Centre national du livre, Jean-François Colosimo ; les "stables envers et contre tout", à l’instar d’Albin Michel et de Bayard ; les "revenants", comme les Presses de la Renaissance ; les "ressuscités", tel DDB (voir article p. 66) ; les "exigeants qui se battent", sur le modèle de Labor et Fides ; ceux qui "changent de direction" comme Nouvelle Cité ; ceux qui "misent sur l’éditorial" à la manière de Salvator ; et même des cousins éloignés, généralistes qui publient du religieux, de First aux Arènes, en passant par Belfond ou Robert Laffont.

Parmi les événements les plus notables de l’année, le déploiement de la stratégie du nouveau président du directoire du Cerf suscite espoirs des uns, craintes des autres : il s’agit tout de même d’une maison créée en 1929 et qui s’enorgueillit d’un fonds de 8 000 titres, dont 4 500 vivants ! Après dix ans d’absence, la maison d’édition des dominicains a retrouvé cette année le chemin du Salon du livre de Paris. Un acte emblématique du changement de couleurs de la maison sous la houlette de son nouveau patron. "Mon objectif est de faire s’épanouir le Cerf, maison du patrimoine et de l’intelligence chrétiens, à l’heure où le livre religieux semble en souffrance et où l’on assiste à un effondrement culturel, explique Jean-François Colosimo. Le Cerf ne va pas céder son droit à la réflexion face au pouvoir de l’émotion. Il y a moins de lecteurs mais ils lisent mieux et ils savent mieux ce qu’ils souhaitent lire. Ils veulent lire l’homme, le monde, l’histoire. Notre ADN nous prédispose à une production plus que jamais adaptée à la demande. Le Cerf est incapable de produire des livres intermédiaires que l’on retrouve partout ailleurs. Cette faiblesse est notre force", estime-t-il. Les conséquences sont immédiates : pas de nouvelles collections, seules seront conservées les collections historiques. L’année 2014 est une année de transition : apurement des passifs, réforme administrative et financière.

Parallèlement, la maison lance en mai La Boussole, un "mook" (15 euros, deux numéros par an). "L’autorité positive" sera la thématique forte du premier numéro. Les fondateurs, Bruno Jauffret et Louis Daufresne, ont rencontré la volonté du Cerf d’offrir des outils de compréhension du monde d’inspiration humaniste chrétienne en dehors du livre. Enfin, Jean-François Colosimo se lance dans une politique (très) volontariste d’édition au format poche, avec 100 à 150 titres prévus en trois ans. "Nous sommes en train de passer d’un marché de l’offre à un marché de la demande, juge-t-il. Une ligne éditoriale non créatrice de fonds est précaire et soumise aux aléas du marché. Nous devons pouvoir compenser les flambées par la constance." Pour l’heure, concrètement, Jean-François Colosimo va passer de 220 nouveautés en 2013 à 140 nouveautés en 2014. A suivre…

Gabriel de Montmollin, directeur de Labor et Fides - dont l’ADN est l’exégèse historicocritique -, annonce de son côté un "immense changement en 2013 : une baisse des prix et des formats consécutive à une chute du fonds de 20 %. C’est une vraie évolution et cela va nous amener à développer notre politique sur les nouveautés", précise-t-il. L’éditeur a également constaté que le niveau de prix où tout bascule se situe à 20 euros. Il s’applique désormais à rester au-dessous. Il sollicite aussi davantage les subventions du CNL de façon à établir un prix incitatif. Les quelques coéditions annuelles avec Bayard fonctionnent bien, comme Le Nouveau Testament commenté dont le premier tirage (7 000 exemplaires) est épuisé et retiré en poche. C’est Labor et Fides qui a découvert Lytta Basset, et Gabriel de Montmollin, qui cherche activement des successeurs, assure avoir trouvé une nouvelle voix : Marion Muller-Colard. A la rentrée, il publiera d’elle un livre sur Job, la plainte et la grâce.

Un autre changement, de génération comme de politique, intervient à la direction de Nouvelle Cité : Henri-Louis Roche cède sa place à la journaliste Bénédicte Draillard, auteure dans la maison de L’ABC des nullités de mariages catholiques. Elle entend prendre appui sur la force de Nouvelle Cité : ses collections. Elle propose une nouvelle collection thématique sur la Bible, "Ce que dit la Bible sur…" (et non le classique "Ce que dit l’Eglise sur…"). Sont parus : La nuit, La femme… A venir : Le pouvoir, La miséricorde, L’écologie

On peut se réjouir également, depuis un an sous la houlette de Muriel Beyer, de la résurrection des Presses de la Renaissance, longtemps endormies. L’éditrice revient aux fondamentaux de la maison et reprend deux collections phares qui marchent bien, "Chemin faisant" et "Une année avec". Dans la première, elle annonce Louis Chedid, Robin Renucci ou Jacques Weber. Dans la seconde, viendront Jean-Paul II, Padre Pio ou encore Etty Hillesum.

Enfin, chez Bayard, où l’année 2013 s’est révélée stable, le pape, bien sûr, mais aussi le lancement de la collection "J’y crois". Jésus, j’y crois, de Michael Lonsdale s’est vendu à 20 000 exemplaires depuis septembre dernier. L’équation Lonsdale + Jésus est gagnante ! Le second titre, à paraître, La paternité, j’y crois d’Olivier Le Gendre, avec un sujet beau et fort, devrait lui emboîter le pas. Frédéric Boyer, directeur de Bayard éditions, croit aussi beaucoup en Chemin d’Assise, l’aventure intérieure de l’écrivain marcheur Olivier Lemire sur la route des franciscains, un autre chemin à découvrir. <

La religion en chiffres

La librairie religieuse en souffrance

Le renouveau du livre religieux n’est pas programmé tout de suite pour tout le monde : la librairie et plus largement les relations entre libraires et éditeurs religieux occupent l’attention des acteurs du secteur. L’annonce solennelle, le 3 février, par son président, Hubert Emmery, de la mise en sommeil du GIE Siloë, a saisi les soixante libraires du réseau qui restent soucieux du maintien de la marque. D’autant que parallèlement, le Syndicat des libraires de littérature religieuse (SLLR) serait de moins en moins impliqué dans les rendez-vous pour les projets interprofessionnels. "Nous sommes à la recherche du syndicat perdu", ironise un de ses membres.

Si le GIE Siloë a disparu, les libraires Siloë, elles, existent toujours. La CRER (Coopérative régionale de l’enseignement religieux) continue de créer des librairies, et les libraires généralistes montrent un fort intérêt pour le religieux. Mais le poids relatif de La Procure, notamment en Ile-de-France, se trouve renforcé. Directeur de La Procure, François Maillot fait savoir qu’il ne se désintéresse pas des libraires Siloë et qu’il ouvrira cet hiver son catalogue aux libraires Siloë qui le souhaiteront.

Quoi qu’il en soit, l’accompagnement des libraires religieux est à réinventer, et l’interprofession se mobilise dans ce sens. De multiples initiatives sont lancées, telles que la tournée des séminaires du groupe Instance Livre pour sensibiliser les jeunes clercs à une nouvelle formule de relations interprofessionnelles, avec éditeurs et libraires religieux. Ils se réunissent désormais en plus petit comité et plus régulièrement, donc de façon plus efficace pour avancer ensemble. On laisse aussi entendre que La Procure aimerait, à terme, faire de son site désormais finalisé une plateforme du livre religieux sur Internet pour concurrencer Amazon sur sa spécialité. <

DDB retrouve de l’air

 

Le nouveau groupe Artège, acquéreur du Rocher, de DDB, de François-Xavier de Guibert, du Sénevé et de Lethielleux, précise son organisation et sa stratégie.

 

Bruno Nougayrède et Loïc Mérian.- Photo ARTÈGE

Après le redressement judiciaire, la relance. Le 19 mars, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de redressement de DDB, qui consacre le groupe Artège comme son nouvel actionnaire. Tandis que l’ancien propriétaire, Parole et silence, va poursuivre son chemin en solitaire, les marques DDB, François-Xavier de Guibert, Le Sénevé et Lethielleux rejoignent, avec le Rocher, le nouveau groupe Artège. Le délicat redressement du Rocher, dont le siège est basé à Monaco, sera effectif à la mi-avril. Au total, Artège, dirigé par Bruno Nougayrède et Loïc Mérian, reprend tous les fonds éditoriaux et l’ensemble du personnel de ces différentes marques issues de Parole et silence. L’aventure a été rendue possible grâce à l’homme d’affaires Ernesto Rossi di Montelera, ancien actionnaire de Parole et silence. Cet associé fidèle à DDB a renoncé à près de 9 millions d’euros de créances et devient actionnaire à 31 % du nouveau groupe. Le reste des dettes (4 millions d’euros) a été étalé sur dix ans.

L’ensemble est désormais géré par une seule et même équipe qui comprend 19 personnes à Perpignan et 13 à Paris, mais le groupe sera constitué de deux pôles. Le premier, autour du Rocher, sera un pôle généraliste, publiant 80 titres par an avec une équipe éditoriale constituée notamment de Vladimir Fédorovski, Victor Loupan ou Rémi Soulié. Le second pôle, avec toutes les autres marques, sera consacré aux sciences humaines et aux spiritualités avec des éditeurs extérieurs comme Jean-Marc Bastière et les directeurs de collection historiques de DDB. La direction éditoriale est envisagée d’une façon très collégiale.

"Les maisons repartent avec une production réduite et avec une véritable volonté éditoriale, commerciale et entrepreneuriale", indique Bruno Nougayrède. DDB sera la marque la plus intellectuelle de l’ensemble. Je rêve de faire revivre les grandes périodes historiques de DDB, quand elle ouvrait des brèches sur des sujets novateurs. François-Xavier de Guibert sera concentré sur les problématiques ecclésiales et de société dans une lignée conservatrice, et Le Sénevé se concentrera sur les outils catéchétiques. Lethielleux ne sera pas ressuscité. Artège, enfin, est positionné jeunesse, spiritualités et magistère de l’Eglise catholique."

En mai, les deux premiers titres, à paraître au Rocher du fait de son potentiel grand public, seront emblématiques de la volonté des dirigeants du groupe : un essai sur Vladimir Poutine, par Vladimir Fédorovski, et L’amour, une affaire sacrée, une sacrée affaire du père Zanotti-Sorkine. L’auteur a déjà ses marques dans la maison avec Croire, vendu à plus de 30 000 exemplaires.

"Nous allons mettre l’éditorial au centre du projet tout de suite, pas dans six mois, souligne Bruno Nougayrède. Avec le Rocher, nous entendons faire vivre une vraie maison généraliste avec les exigences que cela entraîne. Par ailleurs, DDB a un très beau fonds, inexploité, de 3 000 titres vivants. Plus personne ne s’occupait des cessions poche et des droits dérivés. A terme, une personne y sera dédiée." Dans l’air du temps, une collection de développement personnel sera également lancée sous la marque DDB avec le groupe de Fontenelle : des regards croisés de religieux, de psychiatres et de coachs, à l’abbaye de Saint-Wandrille, visent une complémentarité des trois approches et de leurs frontières. <


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