Dans le flot croissant de bandes dessinées de « non-fiction » qui se répand sur les rayonnages des libraires depuis quelques années, L'art du sushi frappe par sa redoutable efficacité. Au programme, clairement affiché : un tour d'horizon historique, économique, social, culturel, technique, artistique, gastronomique et pratique du mets le plus célèbre de la cuisine japonaise. Aux manettes, un auteur qui, sur le plan technique, a fait ses classes dans le graphisme avant de s'orienter vers l'illustration et la bande dessinée, et qui se passionne à la fois pour la photo de mode et la cuisine, dont le chocolat - il a accompagné le pâtissier-chocolatier Jacques Genin pour Les secrets du chocolat (Delcourt, 2014) - et, bien sûr... le sushi. A la manière d'un maître sushi, Franckie Alarcon sait ciseler son texte comme son dessin.
Point d'orgue de ce guide total qui évoque fréquemment le travail des photographes culinaires : la représentation des différentes variantes de sushis (nigiri, temaki, nare, gunkan, temari, battera) et de makis (hoso, futo, california). Des ingrédients (poissons, riz, légumes, condiments) qui les composent et des boissons (thé, saké) qui les accompagnent. A eux, et quasiment uniquement à eux, l'auteur réserve le recours à la couleur, quand l'essentiel de l'ouvrage est en noir et blanc. Au feuilletage, cela donne quelques feuilles de gingembre marinées beige, une pointe de wasabi vert tendre, des bols de thé fumant ou de vinaigres blanc, ambré, rouge ou noir, un beau morceau de maquereau mariné rosé ou les tentacules encore frétillants d'un poulpe rouge foncé après cuisson qui attirent l'œil au cœur de planches dominées par différentes teintes de gris.
Parfois, un festival de couleurs fait monter l'eau à la bouche lorsque, à Tokyo, le grand maître Hachiro Mizutani vient déposer devant l'auteur et les convives qui l'accompagnent un assortiment de sushis de sayori (poisson à la peau argentée), de miru-gaï (coquillage) ou d'anago (anguille de mer), d'Akami (thon maigre), de ô-toro (thon gras), de gunkan makis d'oursins, ou encore de tamago-yakis (omelette à la purée de crevette légèrement sucrée). Ou lorsque les mêmes Français sont invités chez un couple de Japonais, ou découvrent les sampuru, ces plats en plastique qui permettent aux restaurants de présenter leurs menus en vitrine dans des compositions graphiques originales.
Franckie Alarcon va jusqu'à explorer les ponts entre les cuisines japonaise et française en rendant visite à Yannick Alléno au Pavillon Ledoyen, au sein duquel celui-ci a ouvert un lieu dédié au sushi. En s'adjoignant les services d'un confrère japonais, Yasunari Okazaki, le chef français associe artichaut, tofu et œufs de truite fumée, tartare de thon et noisettes du Piémont, jusqu'à des fraises en croûte de sucre et algues nori. Et étend d'autant plus loin le domaine du sushi.
L’art du sushi
Delcourt
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20,50 € ; 272 p.
ISBN: 9782756072005