L’auteur indique « roman didactique en douze chapitres », mais il ne faut pas se fier aux étiquettes. Surtout avec Patrik Ourednik. Cet écrivain quinquagénaire et traducteur tchèque qui écrit pour la première fois en français adore brouiller les pistes, non pas pour égarer son lecteur, mais pour l’entraîner avec lui vers un endroit qu’il ne connaît pas bien encore, où il se fait lui-même surprendre. « A l’école, l’instituteur nous a appris comment naquit la France. Peu de gens sont au courant. »
Cette fois, il s’agit donc de l’Histoire de France, « notre chère disparue ». En 2004, il y avait eu l’Europe avec le joli succès de Europeana : une brève histoire du XXe siècle (Allia). L’étau se resserre. Ourednik va finir dans sa ville. Mais non. L’homme déteste tellement les frontières. Alors on le suit dans cette évocation de Clovis, des Français, de leur humour et de leur modernité. Les mots sont choisis, les phrases construites. Il s’y manifeste quelque chose du culot de Robert Desnos, un non-sens qui donne du sens à ce récit poétique et politique où sont pointés les ridicules du culte du progrès et des bonnes manières façon IIIe République. « Plus la portée de nos canons est longue, plus la guerre est joyeuse et pittoresque. » Avec un goût certain pour la satire, Ourednik nous offre une facétie en douze tableaux comme les scènes d’un film de Méliès. On y retrouve cette poésie faussement naïve, gentiment décapante sur une vieille histoire avec ses clichés sur la patrie, les races, les femmes et Dieu « qui n’existe pas ». Le genre de littérature friandise qui fait dire que c’est un peu juste. On en voudrait encore…
Laurent Lemire