Nathalie Bauer, qui a écrit Les indomptées (Philippe Rey, 2014), proteste contre le risque de fermeture de la grande librairie de Verdun (Meuse) dont le dossier sera examiné au tribunal le 23 décembre.
"Je suis peut-être le dernier auteur invité dans cette librairie de Verdun quasi centenaire. Cette pensée me harcèle face à la soixantaine de personnes venues m’accueillir en cette soirée glaciale du 4 décembre, tandis que Martine Clesse, la libraire, pose une question et me tend le micro ; que des comédiennes improvisées jaillissent tour à tour de leurs rangs pour prêter leurs voix fortes, timides, frêles, à mon texte ; que six musiciens interprètent des morceaux choisis tout exprès - membres de l’orchestre de chambre de la Meuse, ils ont répondu à l’appel "même s’il n’y a pas d’argent" -, et déjà des lecteurs attendent au bas de l’estrade, m’offrent anecdotes, confidences, embrassades, rejoignent le buffet que Martine a préparé avec des collègues et des amies.
Les jours passent et il y a urgence : il est possible que dans deux semaines la librairie ferme ses portes et que ses douze employés reçoivent un licenciement en guise de cadeau de Noël. Ducher est une institution dans l’Est : forte de six magasins, la société a compté jusqu’à quatre-vingt-sept employés ; à Verdun, ses 600 m2 sont le poumon culturel de la ville. De nouveau je me demande : comment les pouvoirs publics peuvent-ils laisser cette librairie s’éteindre ? Comment peuvent-ils assister froidement à la mort de libraires de cette trempe, de passionnés sans lesquels nous serions orphelins ? Nous. Pas seulement les auteurs, mais la communauté des lecteurs entière, nous qui avons tous vu un jour ou l’autre l’un de ces magiciens tirer de ses étagères un livre prêt à nous émouvoir, nous affranchir, nous rendre l’envie de vivre. Devrions-nous nous satisfaire de vendeurs immatériels, anonymes, incapables de lire (oui, c’est un métier !), de conseiller ? Est-ce là le destin qui nous est réservé ? Impossible de l’accepter !
Ce n’est plus d’économie qu’il s’agit ici, mais d’un choix de société.
Madame la ministre de la Culture, réagissez, sauvez Ducher, il en est encore temps !"