« Chacun de mes livres est une tentative nouvelle de remettre le monde à l’endroit et de rendre visible ma joie d’être né », explique Alexandre Jardin en introduction à Mes trois zèbres. Un livre « d’amour et de quasi-piété filiale » où le romancier se penche sur une certaine idée de la France et de l’existence.
L’auteur du Roman des Jardin (Grasset 2005, repris au Livre de poche) convoque dans ses pages le « folâtre » Sacha Guitry, « l’impossible » Charles de Gaulle et « l’heureux » Giacomo Casanova. Des irréguliers, des réfractaires, des rêveurs éveillés. Trois anticonformistes équipés d’une solide vision de soi. Trois « immenses artistes du savoir-être, tous praticiens de l’insolence », qui n’ont cessé de jouer, de défier et de jouir.
Guitry, à la fois un animal de théâtre et l’un des plus grands inventeurs du langage cinématographique, Jardin l’a découvert grâce à sa grand-mère, qui lui offre Sacha Guitry intime, « les souvenirs très pince-sans-rire de sa secrétaire Fernande Choisel », et lui fait visionner Le destin fabuleux de Désirée Clary en 1982. Comment résister à un homme qui avait l’art de corriger le réel, osait toutes les audaces ? Même s’il eut aussi le mauvais goût de se ruer « dans l’illusion maréchaliste » pendant l’Occupation…
Puis entre en scène Charles de Gaulle. Son « plus grand secret », son « vrai père ». Celui qui l’a converti « à ce qu’il nomme la grandeur, cette éthique incommode qu’il résuma en une poignée de mots impeccables : viser haut et se tenir droit ». Celui qui l’a fait naître à « l’étrange joie de dire non ». A propos du dernier à prendre ici place, Casanova, Alexandre Jardin dit être fou de « son cœur intelligent, de son déjantement enflammé et de sa manière de prendre la gaîté très au sérieux », de sa capacité de désinvolture apparemment sans bornes. Grâce à l’énergie, à la vitalité de ces trois grands fauves et à sa propre démesure, Jardin signe son texte le plus étonnant. Un volume au détour duquel il rend à nouveau hommage à un père envolé trop tôt. Al. F.