Devant plus de 150 professionnels français et allemands réunis, mardi 29 mai, à l'ambassade de France de Berlin, Jacques Toubon et Antoine Gallimard ont plaidé en faveur d'une exception culturelle de la Commission européenne concernant le marché du livre, et d'un taux de TVA réduit sur le livre numérique, lors d'une rencontre qu'ils ont qualifiée de « la plus haute importance sur le plan politique ».
Le président du Haut conseil culturel franco-allemand, également chargé par la France d'une mission européenne sur la TVA du livre numérique, et le président du Syndicat national de l'édition, participaient à l'invitation du Bureau international de l'édition française (Bief) et de l'Institut français, à une table ronde sur les nouveaux enjeux des droits d'auteurs et de la fiscalité aux côtés d'Olaf Zimmermann, directeur du Deutscher Kulturrat, Thomas Sparr, le patron de Suhrkamp, et Christian Sprang, responsable du service juridique du Börsenverien, l'association des éditeurs et des libraires allemands.
Pour les Français, il s'agissait surtout de convaincre les Allemands, de faire front commun auprès de la commission européenne pour l'adoption d'une TVA à taux réduit sur le prix du livre numérique, alors que c'est précisément le ministère des Finances allemand qui bloque actuellement une évolution à Bruxelles, et que les philosophies fiscales des deux côtés du Rhin divergent (voir notre article à paraître vendredi 1er juin dans Livres Hebdo).
Les lois allemandes sur la protection des données personnelles freinent considérablement ce travail sur la propriété littéraire
Particulièrement habité et éloquent, Jacques Toubon a plaidé pour une nouvelle exception culturelle afin de garder « un marché fluide et pluraliste et non un marché dominé, oligopolistique au mieux, et probablement monopolistique ». Il pointait ainsi du doigt les géants américains extérieurs au milieu de l'édition que sont Google, Apple et bien sûr Amazon. « Pour pouvoir être compétitif face aux entreprises de l'informatique de Mountain View ou de Corée, il faut trois conditions : le respect de la propriété littéraire et artistique car le piratage représente le canal le plus large de diffusion de contenu numérique, une régulation du marché et une fiscalité adaptée », a expliqué l'ancien ministre.
Les lois allemandes sur la protection des données personnelles freinent considérablement ce travail sur la propriété littéraire. S'adressant à Olaf Zimmermann, Jacques Toubon a insisté sur le fait qu'il fallait « absolument que nous nous rapprochions, non pas sur la conception du droit d'auteur mais sur sa mise en oeuvre ; sinon la Commission nous imposera une conception qui ne sera pas la nôtre. »
Antoine Gallimard a expliqué que nous étions « au coeur de la bataille, à un moment où il ne faut pas se tromper ni de combat ni de paysage. » Le P-DG du SNE craint que « le taux ajusté à 7 % de la TVA du livre numérique en France soit attaqué, ce qui remettrait en cause toute notre façon d'aborder le marché dématérialisé ». Pour ne pas se faire doubler par Amazon et les autres gros opérateurs de l'informatique, il faut en effet que les éditeurs aient le contrôle des prix des livres qu'ils soient faits de pixels ou de papier, et que le prix de vente d'un ebook soit inférieur de 30 ou 40% à celui du livre papier. « Il faut une mesure d'urgence et le levier fiscal est une opportunité que nous devons saisir ensemble. » a-t-il conclu.
L'Allemagne est le pays à convaincre, car rien ne pourra aboutir si Berlin s'y oppose. C'est pourquoi Antoine Gallimard ainsi que Jacques Toubon ont poursuivi leur lobbying auprès de leurs homologues allemands lors du cocktail qui a suivi le débat à l'ambassade. Déjà en début d'année, Jacques Toubon était allé défendre la position française devant les parlementaires allemands.