Joyce Carol Oates, Toni Morrison, Richard Ford, Raymond Carver... « Tous les grands noms des lettres américaines sont titulaires d'un Master of Fine Arts (MFA) en creative writing », observe l'éditeur (chez Albin Michel), libraire et président du festival America, Francis Geffard. Si l'on comptait une quinzaine de cursus de ce type aux Etats-Unis dans les années 1970, aujourd'hui chaque Etat dispose d'au moins un programme universitaire de création littéraire. Avant qu'elle ne soit formalisée à partir des années 1930 avec l'Iowa Writer's Worshop, l'idée de transmettre l'art d'écrire remonte au 19e siècle, selon Francis Geffard. « Il fallait construire une culture authentiquement américaine, c'est pourquoi les auteurs ont commencé à se rencontrer, à donner des cours ou à publier dans des revues, explique-t-il. Il y a une dimension de collégialité à l'université héritée de cette période. »
Un modèle qui s'exporte
S'il est encore suspecté en France d'uniformiser la production de fiction - « c'est faux, il permet au contraire de faire émerger de nouvelles voix », assène Francis Geffard -, le modèle américain s'est logiquement exporté au Canada avant d'arriver sur le Vieux continent. Dix-sept universités y dispensent des formations de niveau licence (Bachelor's Degree) ou master (Master's Degree), les plus anciennes ayant été créées dans les années 1980. Sur le bassin francophone du Québec, plusieurs universités proposent elles aussi, depuis une quarantaine d'années, de rédiger un mémoire ou une thèse en création littéraire. L'université du Québec à Montréal (UQAM) « a été l'une des pionnières », se félicite l'un de ses professeurs, Marc-André Brouillette. Pour lui, « l'omniprésence de ces formations en montre la popularité et la nécessité ».
En Europe, forte d'une tradition de formation à l'écriture, l'Allemagne fait figure de défricheuse. À l'institut allemand de littérature de Leipzig, ouvert à l'époque de la RDA, fermé puis restructuré en 1995, le format s'approche des formations américaines.
L'autre grande formation littéraire du pays, à Hildesheim, prépare davantage aux professions de médiation culturelle. « Une formation similaire a ouvert récemment à Cologne, et en Autriche, l'université des arts appliqués de Vienne propose un diplôme de création littéraire depuis le début des années 2010 », signale Marie Caffari, elle-même directrice de l'Institut littéraire suisse de Bienne.
Chaque année en Suisse, 16 étudiants dont un tiers de francophones intègrent le bachelor (équivalent à une licence) créé en 2006 au sein de la Haute école des arts de Berne. « Ils sont plutôt dans une démarche de travail sur leur écriture que dans l'optique d'une publication », indique-t-elle, tandis que la formation de niveau master s'adresse à des auteurs plus expérimentés.
Plus encore qu'en France, on remarque au Royaume-Uni une explosion des parcours de creative writing, passés d'une soixantaine en 2003 à plus de 500 en 2014, selon nos confrères de The Bookseller. « Le plus célèbre est sans doute celui de l'université d'East Anglia, mais il faut aussi noter que de plus en plus d'éditeurs lancent leurs ateliers, comme la Faber Academy », indique la rédactrice en chef adjointe du magazine professionnel, Benedicte Page. Chez nos voisins de Belgique, c'est via l'école d'art La Cambre qu'a été lancé en 2016 l'Atelier des écritures contemporaines, un « laboratoire » délivrant pour l'instant un certificat (licence) qui devient un master l'an prochain. En Italie, outre un riche écosystème d'ateliers, la Scuola Holden, fondée en 1994 à Turin et administrée par quatre partenaires dont le groupe Feltrinelli, vient tout juste de créer le premier cursus d'écriture diplômant du pays.