tribune

Un drone ne fait pas le printemps

Un drone ne fait pas le printemps

Réagissant au récent coup de pub d’Amazon avec ses drones, Bertrand Legendre, responsable du master politiques éditoriales à Paris-13 Villetaneuse, appelle à une « détermination ferme des responsables politiques » face au géant de la vente en ligne.

J’achète l’article 1.5 €

Créé le 03.01.2014 à 16h00 ,
Mis à jour le 06.01.2014 à 17h36

“L’épisode des drones annoncés par Amazon pour assurer les livraisons de petits colis a suscité d’abondants commentaires. Pointant souvent le coup promotionnel, nombre de médias, d’internautes et de dessinateurs humoristes ont souligné les obstacles à la mise en œuvre d’Amazon Prime Air : la réglementation aérienne dont on imagine mal comment, à la suite des livres d’Amazon, elle pourrait contrôler la circulation de multiples drones transportant des pizzas, des médicaments, des hamburgers, des bouquets de fleurs ou des canettes diverses et variées ; la sécurité ensuite, en raison des chutes accidentelles ou provoquées, ainsi que des accidents (imaginez un instant votre petit dernier décidant de regarder d’un peu plus près ce beau jouet venu du ciel, juste au moment où les huit hélices se mettent en marche…) ; les problèmes d’accessibilité (comment fait-on si l’on n’a ni terrasse ni pelouse assez grande ?) ; les limites du rayon d’action des drones, enfin, qui supposeraient de démultiplier les centres de distribution, hypothèse largement incompatible avec le modèle très centralisé qui est celui d’Amazon. Et la communication d’Amazon ne nous dit rien des coûts d’exploitation de ces petits bijoux de technologie ; est-ce bien compatible avec des transactions à quelques dizaines d’euros ?

Tous ces commentaires semblent frappés au coin du bon sens, même si l’on ne peut ignorer que les drones civils sont déjà monnaie relativement courante. Il faut toutefois remarquer qu’ils se rencontrent dans des domaines d’activité (la sécurité, les infrastructures routières et ferroviaires…) dotés de moyens qui n’ont aucune commune mesure avec ceux de l’édition et de la librairie. Une fois de plus, on ne peut s’empêcher de penser que l’on force la filière du livre à entrer dans des logiques qui ne sont pas les siennes.

Pour autant, on ne peut pas non plus se rassurer à la lecture des réactions résumées ici (en laissant de côté celles qui cèdent à la fascination technophile…) Dans un récent article, Olivier Poivre d’Arvor, directeur de France Culture, saluait la décision d’Aurélie Filippetti de ne pas se rendre à l’inauguration du Lab de l’institut culturel Google à Paris. Il voyait dans ce geste le « signe d’un sain et décomplexé retour du politique face aux enjeux économiques mondiaux de la création ». On voudrait le suivre, et croire que ce passage de drone annonce l’arrivée des hirondelles, du printemps, et d’une détermination ferme des responsables politiques de ne plus subventionner, comme l’a fait la région Bourgogne, l’installation d’entrepôts de cette société experte en dérobade fiscale."
Bertrand Legendre
 

Les dernières
actualités