12 novembre > Roman France

Martine Le Coz, romancière discrète depuis son prix Renaudot pour Céleste (Rocher, 2001), a développé une œuvre polymorphe dont les constantes pourraient être l’humanisme, la curiosité, l’ouverture à l’autre. A ce titre, L’appel des éléphants paraît emblématique de sa démarche, un roman peu banal.

Par son écriture d’abord, dense, inspirée, surtout dans la première partie, celle qui se déroule en Inde, dans le Bihar, de 1980 à 2001. Elle met en scène la relation mystique, le lien charnel entre Anil, un jeune mahout - le mot qu’utilisent les Indiens pour désigner celui qu’à la suite des Portugais nous appelons "cornac" -, et Ganapati, l’éléphant dont il a la responsabilité, à la vie à la mort. Dans la religion hindoue, l’éléphant est le protégé de Vishnou, associé à Indra, le créateur, et l’image même du dieu Ganesh, l’un des plus populaires de ce fabuleux panthéon. Un animal sacré, donc. Quant aux mahouts, il s’agit d’une profession ancestrale, respectée, même si les éléphants sont moins nombreux et moins présents dans la vie quotidienne moderne. Anil va être envoyé par son patron, Shri Lakhsmana Singh, au Botswana, à la demande de deux Américains, les frères Johnson, désireux de créer une entreprise touristique autour des éléphants, afin de prendre en mains la formation des futurs cornacs locaux. L’accompagnent dans son odyssée - partir en laissant Ganapati a été pour lui un crève-cœur - l’un de ses jeunes frères et la belle Chandâ, descendante de mahout qui a fait des études et servira d’interprète. Sur place, Anil nouera aussi une relation particulière avec le vieux Zouma, un San, ancien braconnier reconverti en gardien de réserve. Un type bien, qui prend le jeune Indien en affection, en dépit de tout ce qui les sépare. Mais son frère Khama, lui, un criminel lié à tous les trafics et à la mafia chinoise, va venir se mettre en travers de leur route. Des éléphants sont massacrés pour leur ivoire, Chandâ est enlevée, violentée, violée…

Le roman bascule alors dans le thriller, avec Anil et ses éléphants (d’Afrique) dans le rôle des justiciers. L’histoire pourrait s’arrêter là, sur une sorte de happy end, et l’on imagine volontiers le jeune mahout rentrant au pays, retrouver sa famille et son cher éléphant. Mais Martine Le Coz ne l’a pas voulu ainsi. Elle a préféré terminer sur une note politique : Anil, Chandâ et Zouma deviennent les porte-parole de la cause des éléphants, toujours décimés en Afrique en dépit de tout un arsenal de lois prises, au Sommet de la Terre de Johannesburg, en 2002. C’est moins poétique, mais pas moins nécessaire : quinze ans après, il reste encore tant à faire pour sauver les éléphants, ces animaux qui "connaissent la sérénité qui peut faire d’un mortel l’égal des immortels". J.-C. P.

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