Très active au début, un peu moins à la fin, mais toujours attentive au secteur : la politique du livre sous le quinquennat de François Hollande a manifesté un soutien constant à la plus ancienne des industries culturelles, la moins gourmande en argent public et objet d’un consensus certain entre majorité et opposition. La gauche a poursuivi des actions engagées par la précédente majorité (TVA réduite sur le livre numérique, numérisation des livres indisponibles), et la droite a voté au Parlement les dispositions concernant le livre (nouveau contrat d’édition, extension de l’exception handicap), prenant même l’initiative dans la loi sur les frais de port. Elle était aussi avec le gouvernement dans tous les combats contre la Commission européenne, soupçonnée d’un libéralisme incompatible avec l’exception culturelle que défend la France. Trois ministres de la Culture ont incarné cette politique, d’abord très proche du monde du livre avec Aurélie Filippetti, puis plus technique et gestionnaire avec Fleur Pellerin, et enfin un peu plus distante avec Audrey Azoulay, plus naturellement tournée vers le cinéma et l’audiovisuel.
Mesures fiscales
La première mesure concrète prise pour le livre par la nouvelle majorité élue au printemps 2012 concerne le retour à la TVA à 5,5 % au 1er janvier 2013. Un plan de rigueur du gouvernement Fillon avait créé un taux intermédiaire à 7 %, qui s’appliquait notamment au livre imprimé et numérique, à compter du 1er avril 2012. La gauche a augmenté ce taux intermédiaire à 10 %, y incluant notamment les droits d’auteur, mais a remis le livre dans le taux réduit, en abandonnant toutefois le projet de l’abaisser à 5 %.
A la Commission européenne (CE), la gauche a poursuivi le bras de fer engagé pour l’extension du taux réduit au livre numérique, appliqué depuis le 1er janvier 2012 en France. La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé l’infraction (mars 2015) à la directive communautaire, mais il n’y a pas eu de suite. Jean-Claude Juncker, nouveau président de la CE, a lâché du lest et, en décembre 2016, la Commission a proposé une réglementation modifiée, qui laisserait les Etats membres choisir le taux s’appliquant au livre numérique.
La fiscalité des multinationales s’est trouvée au cœur de nombreux débats et projets de taxation, qui n’ont pas abouti en France. Mis au jour, le système d’évasion fiscale d’Amazon vers le Luxembourg est poursuivi à la fois en France (qui réclame 196 millions d’euros au groupe américain) et par la CE, qui n’a pas encore rendu son verdict.
Plan librairie
Porté par Aurélie Filippetti, le plan de soutien à la librairie annoncé en mars 2013 s’impose comme la mesure phare du quinquennat pour le secteur. Financièrement, 5 millions d’euros ont été alloués à l’Ifcic pour soutenir la trésorerie des entreprises, et 4 millions d’euros ont été versés à l’Adelc pour faciliter des reprises, dont celles des ex-librairies Chapitre. Le budget librairie du CNL a aussi été augmenté de 2 millions d’euros en 2014. En revanche, les 7 millions d’euros d’abondement promis par le SNE n’ont été que partiellement versés, les éditeurs invoquant l’abandon du projet de réduction de la TVA à 5 % qu’ils avaient anticipé pour dégager les moyens nécessaires. L’objectif du plan était d’augmenter de 2 points la marge des librairies.
Ce plan comportait aussi un volet réglementaire, avec la création d’un poste de médiateur du livre, réclamé depuis longtemps par les libraires, et la création d’agents assermentés pour enquêter sur d’éventuelles infractions au prix du livre. Laurence Engel, entrée en fonction en novembre 2014, a rendu une première médiation sur les abonnements numériques illimités, les jugeant non conformes à la loi. Les opérateurs, dont Amazon, ont modifié leur offre en conséquence. Le dossier sur le livre d’occasion vendu sur les marketplaces n’a en revanche pas encore abouti.
Contrat d’édition
Autre avancée importante, Aurélie Filippetti a, dès sa nomination, fermement encouragé éditeurs et auteurs à trouver un accord sur un nouveau contrat d’édition intégrant notamment des dispositions sur le livre numérique, mais aussi sur l’exploitation permanente et suivie, la reddition des comptes, la clause de fin d’exploitation, etc. Les négociations duraient depuis cinq ans. Elles ont abouti en mars 2013, complétées ensuite d’un code des usages. Cette réglementation est entrée en vigueur au 1er décembre 2014. Les discussions ont repris à la rentrée 2016 sur les relevés de reddition de comptes, les provisions pour retour, la compensation intertitres, etc. Elles sont analysées dans un rapport aux parlementaires et sont proches d’aboutir.
Loi sur les frais de port
Le gouvernement réfléchissait au moyen de contrôler la gratuité des frais de port jugée déloyale par les libraires indépendants. Les parlementaires de l’opposition l’ont pris de court en déposant en 2013 une proposition de loi, largement remaniée et vite baptisée "anti-Amazon". Promulguée le 8 juillet 2014, elle a été immédiatement contournée par Amazon et par la Fnac, qui les ont fixés à 1 centime. La loi a aussi supprimé la possibilité d’une réduction de 5 % dans la vente de livres à distance, la laissant aux seules librairies physiques. Le SLF souhaitant toujours la suppression de cette possibilité au nom de la restauration des marges, personne n’en a fait un argument commercial face au grand perturbateur américain.
Faciliter la lecture publique
Partie à l’initiative d’une campagne de Bibliothèques sans frontières qui avait perçu un besoin latent dans le public, l’ouverture des bibliothèques le dimanche s’est imposée comme une nécessité à laquelle le gouvernement a répondu, bien que ces établissements dépendent des collectivités territoriales. Le financement promis par François Hollande a finalement été prélevé sur la dotation générale de décentralisation, inchangée depuis 2008 à 80,4 millions d’euros et réservée jusqu’alors aux travaux. La dépense de fonctionnement était estimée à 5 millions d’euros, selon un rapport sénatorial.
Le prêt numérique en bibliothèque est aussi devenu une réalité : une centaine de bibliothèques le proposent, et 200 000 prêts ont été effectués l’an dernier, contre 41 000 en 2015. Pour les libraires indépendants, c’est un marché numérique préservé de la concurrence d’Amazon. La mise en œuvre d’un système de protection des fichiers (Readium LCP) plus simple et moins coûteux développé par l’EDRLab, financé par le ministère de la Culture, devrait accélérer sa croissance.