La surdouée de la rentrée, c'est elle ! Elle n'a que 16 ans, elle est russe, elle nous parle de l'histoire, elle montre une maturité époustouflante et elle est morte il y a quatre-vingt-un ans... De 1918 à 1920, de la paix de Brest-Litovsk aux débuts des conflits russo-polonais, Nelly Ptachkina a tenu un journal. Elle s'y livre bien sûr, mais surtout on y voit se former un témoin dans la tourmente. "J'ai dorénavant ma propre idée sur la vie privée dans l'Histoire." Sa mère publia le texte à Paris en 1922. Joseph Kessel trouva le document si formidable qu'il en parla longuement dans les Mémoires d'un commissaire du peuple, où il la compare à une Marie Bashkirtseff des temps troubles. "Ma myopie vient de ce que je suis encore une enfant." On aimerait voir aussi mal qu'elle ce qui se passe autour de soi, tout en n'oubliant jamais de vivre, de s'amuser au théâtre et de s'imprégner de littérature.

Elle lit l'Histoire de la Révolution française d'Adolphe Thiers en même temps qu'elle subit la sienne. "Il y avait quelque chose de grandiose à lire l'histoire d'une révolution passée en écoutant le grondement de l'actuelle." Devant les violences, la famille de Nelly est contrainte de se réfugier à Kiev, puis de s'exiler à Paris. "Que m'apportera cette ville étrangère, ce pays étranger ? Le train file, la sirène éventre l'air de la nuit. Est-ce la fin de notre dur passé ? Celui-ci n'est plus qu'un souvenir. L'aube d'une existence nouvelle et sublime pointe à l'horizon."

Le 20 juillet 1920, près de Chamonix, elle fait une chute mortelle en visitant la cascade du Dard. Elle n'avait pas 17 ans.